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LES VOYAGES DE GULLIVER

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Je jouissais d’une santé parfaite et d’une paix d’esprit<br />

inaltérable. Je ne me voyais exposé ni à l’inconstance ou à la<br />

trahison des amis, ni aux pièges invisibles des ennemis cachés.<br />

Je n’étais point tenté d’aller faire honteusement ma cour à un<br />

grand seigneur ou à sa maîtresse pour avoir l’honneur de sa<br />

protection ou de sa bienveillance. Je n’étais point obligé de me<br />

précautionner contre la fraude et l’oppression ; il n’y avait point<br />

là d’espion et de délateur gagé, ni de lord mayor crédule,<br />

politique, étourdi et malfaisant. Là, je ne craignais point de voir<br />

mon honneur flétri par des accusations absurdes, et ma liberté<br />

honteusement ravie par des complots indignes et par des ordres<br />

surpris. Il n’y avait point, en ce pays-là, de médecins pour<br />

m’empoisonner, de procureurs pour me ruiner, ni d’auteurs<br />

pour m’ennuyer. Je n’étais point environné de railleurs, de<br />

rieurs, de médisants, de censeurs, de calomniateurs, d’escrocs,<br />

de filous, de mauvais plaisants, de joueurs, d’impertinents<br />

nouvellistes, d’esprits forts, d’hypocondriaques, de babillards,<br />

de disputeurs, de gens de parti, de séducteurs, de faux savants.<br />

Là, point de marchands trompeurs, point de faquins, point de<br />

précieux ridicules, point d’esprits fades, point de damoiseaux,<br />

point de petits-maîtres, point de fats, point de traîneurs d’épée,<br />

point d’ivrognes, point de pédants. Mes oreilles n’étaient point<br />

souillées de discours licencieux et impies ; mes yeux n’étaient<br />

point blessés par la vue d’un maraud enrichi et élevé et par celle<br />

d’un honnête homme abandonné à sa vertu comme à sa<br />

mauvaise destinée.<br />

J’avais l’honneur de m’entretenir souvent avec messieurs<br />

les Houyhnhnms qui venaient au logis, et mon maître avait la<br />

bonté de souffrir que j’entrasse toujours dans la salle pour<br />

profiter de leur conversation. La compagnie me faisait<br />

quelquefois des questions, auxquelles j’avais l’honneur de<br />

répondre. J’accompagnais aussi mon maître dans ses visites ;<br />

mais je gardais toujours le silence, à moins qu’on ne<br />

m’interrogeât. Je faisais le personnage d’auditeur avec une<br />

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