15.07.2013 Views

LES VOYAGES DE GULLIVER

LES VOYAGES DE GULLIVER

LES VOYAGES DE GULLIVER

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

détail de notre travail, il suffit de dire qu’en six semaines de<br />

temps nous fîmes une espèce de canot à la façon des Indiens,<br />

mais beaucoup plus large, que je couvris de peaux de yahous<br />

cousues ensemble avec du fil de chanvre. Je me fis une voile de<br />

ces mêmes peaux, ayant choisi pour cela celles des jeunes<br />

yahous, parce que celles des vieux auraient été trop dures et<br />

trop épaisses ; je me fournis aussi de quatre rames ; je fis<br />

provision d’une quantité de chair cuite de lapins et d’oiseaux,<br />

avec deux vaisseaux, l’un plein d’eau et l’autre de lait. Je fis<br />

l’épreuve de mon canot dans un grand étang, et y corrigeai tous<br />

les défauts que j’y pus remarquer, bouchant toutes les voies<br />

d’eau avec du suc de yahou, et tâchant de le mettre en état de<br />

me porter avec ma petite cargaison. Je le mis alors sur une<br />

charrette, et le fis conduire au rivage par des yahous, sous la<br />

conduite de l’alezan et d’un autre domestique.<br />

Lorsque tout fut prêt, et que le jour de mon départ fut<br />

arrivé, je pris congé de mon maître, de madame son épouse et<br />

de toute sa maison, ayant les yeux baignés de larmes et le cœur<br />

percé de douleur. Son Honneur, soit par curiosité, soit par<br />

amitié, voulut me voir dans mon canot, et s’avança vers le rivage<br />

avec plusieurs de ses amis du voisinage. Je fus obligé d’attendre<br />

plus d’une heure à cause de la marée ; alors, observant que le<br />

vent était bon pour aller à l’île, je pris le dernier congé de mon<br />

maître. Je me prosternai à ses pieds pour les lui baiser, et il me<br />

fit l’honneur de lever son pied droit de devant jusqu’à ma<br />

bouche. Si je rapporte cette circonstance, ce n’est point par<br />

vanité ; j’imite tous les voyageurs, qui ne manquent point de<br />

faire mention des honneurs extraordinaires qu’ils ont reçus. Je<br />

fis une profonde révérence à toute la compagnie, et, me jetant<br />

dans mon canot, je m’éloignai du rivage.<br />

– 258 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!