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LES VOYAGES DE GULLIVER

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onne chère et du plaisir était le principe de tous les<br />

mouvements de nos yahous ; que, pour y atteindre, il fallait<br />

s’enrichir ; que c’était ce qui produisait les filous, les voleurs, les<br />

pipeurs, les parjures, les flatteurs, les suborneurs, les faussaires,<br />

les faux témoins, les menteurs, les joueurs, les imposteurs, les<br />

fanfarons, les mauvais auteurs, les empoisonneurs, les précieux<br />

ridicules, les esprits forts. Il me fallut définir tous ces termes.<br />

J’ajoutai que la peine que nous prenions d’aller chercher<br />

du vin dans les pays étrangers n’était pas faute d’eau ou d’autre<br />

liqueur bonne à boire, mais parce que le vin était une boisson<br />

qui nous rendait gais, qui nous faisait en quelque manière sortir<br />

hors de nous-mêmes, qui chassait de notre esprit toutes les<br />

idées sérieuses ; qui remplissait notre tête de mille imaginations<br />

folles ; qui rappelait le courage, bannissait la crainte, et nous<br />

affranchissait pour un temps de la tyrannie de la raison. « C’est,<br />

continuai-je, en fournissant aux riches toutes les choses dont ils<br />

ont besoin que notre petit peuple s’entretient. Par exemple,<br />

lorsque je suis chez moi et que je suis habillé comme je dois<br />

l’être, je porte sur mon corps l’ouvrage de cent ouvriers. Un<br />

millier de mains ont contribué à bâtir et à meubler ma maison,<br />

et il en a fallu encore cinq ou six fois plus pour habiller ma<br />

femme. »<br />

J’étais sur le point de lui peindre certains yahous qui<br />

passent leur vie auprès de ceux qui sont menacés de la perdre,<br />

c’est-à-dire nos médecins. J’avais dit à Son Honneur que la<br />

plupart de mes compagnons de voyage étaient morts de<br />

maladie ; mais il n’avait qu’une idée fort imparfaite de ce que je<br />

lui avais dit.<br />

Il s’imaginait que nous mourions comme tous les autres<br />

animaux, et que nous n’avions d’autre maladie que de la<br />

faiblesse et de la pesanteur un moment avant que de mourir, à<br />

moins que nous n’eussions été blessés par quelque accident. Je<br />

fus donc obligé de lui expliquer la nature et la cause de nos<br />

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