Nos - Revue des sciences sociales

Stéphane Jonas
Jean-Baptiste Boussingault et l’Alsace
Comment résumer brièvement cette
vie exemplaire de chimiste agricole
et cette œuvre scientifique et pratique
renommée et fertile ? Fondateur de la chimie
agricole moderne, il a par la pratique
donné à ce métier une dimension double :
théorie et savoir-faire. Il a ainsi élevé la
chimie agricole en une véritable science
et par sa vocation d'enseignant il en a fait
une discipline d'enseignement supérieur
à une période précoce dans l'histoire du
développement des sciences agronomiques.
Et quand sa conscience l'a poussé,
il a pris des responsabilités publiques et
politiques, donnant ainsi l'exemple d'un
scientifique qui peut aussi prendre, s'il le
faut, des décisions politiques. Les deux
périodes alsaciennes de sa vie et de ses
travaux sont longues et décisives, non
seulement pour le développement de la
chimie agricole et des sciences agronomiques,
mais aussi pour notre région et
pour leur rôle dans le développement
de l'industrie et de la science françaises
et européennes. Son œuvre est devenue
ainsi un patrimoine alsacien agricole et
intellectuel.
Boussingault fermier-chimiste-agronome
de Merkwiller et du Liebfrauenberg en
Alsace, et Liebig, chimiste-agronome de
Giessen en Hesse : deux fondateurs marquants
de la chimie agricole européenne
et rhénane. Deux voies scientifiques différentes
mais en somme complémentaires,
qui peuvent être, en ce début du XXI e
siècle, les symboles non seulement de
l'amitié franco-allemande pour construire
l'Europe Unie des peuples, mais servir
peut-être aussi de symbole à l'Europe des
Régions, et en l'occurrence d'un «nouveau
modèle rhénan» à construire.
Notes
1. Organisées le 10 novembre 2002 sous la
présidence de Paul Schiellein, Maire de
Merkwiller-Pechelbronn et de Guy Troger,
Président de l'Association des Amis
du Musée du Pétrole de Pechelbronn.
2. Je remercie Willy Weller ancien Secrétaire
général de l'Association des Amis du
Musée du Pétrole de Pechelbronn d'avoir
bien voulu me communiquer en 1987 un
dossier sur cette correspondance.
3. J. B. Boussingault, Mémoires, 5 vol., Paris,
1892-1903.
4. Notes biographiques de R. Schmitt sur
J. B. Boussingault in Nouveau Dictionnaire
des Biographies Alsaciennes (NDBA). Bo,
p. 325-326.
5. Voir sa lettre du 25 juin 1821 adressée à
son père.
6. M. Callon, (Dir.), La science et ses réseaux,
La Découverte, Paris, 1989.
7. « Il est (...) difficile de savoir si Boussingault
se tourne vers la chimie agricole
en rentrant en France après dix années
passées en Amérique du Sud, parce que,
ayant été confronté à des problèmes d'approvisionnement
au cours de son séjour,
il comprend, comme il le prétend, l'intérêt
de la question, ou parce qu'il exploite une
opportunité, celle de l'acquisition d'une
ferme lors de son mariage, ou encore
parce qu'il a conscience qu'il faut qu'il se
démarque de Dumas, son puissant protecteur
dont il est le suppléant, s'il veut
faire carrière. » (N. JAS, Au carrefour de la
chimie et de l'agriculture. Les sciences agronomiques
en France et en Allemagne. 1840-1914.
Editions des Archives Contemporaines,
Paris, 2001, p. 57.
8. P. de Chambrier, Historique de Pechelbronn.
Editions Attinger Frères, Paris-Neufchâtel,
1919, p. 31-32.
9. J. M. Scheydecker, « Une cité ouvrière à
Merkwiller-Pechelbronn : la Cité Boussingault
», Cahiers de l'Institut d'Urbanisme et
d'Aménagement Régional, n° 3-4, 1981-82,
p. 122-136.
10. S. Jonas, Mulhouse industriel : un siècle
d'histoire urbaine. 1740-1848, 2 vol., éd.
L'Harmattan, Paris, 1994.
11. S. Jonas, « Pechelbronn : mémoires
anciennes et destinées nouvelles », Cahiers
du Centre de Recherches sur Paris et l'Ile-de-
France. (CREPIF), Paris-Sorbonne, n° 10,
1985, p. 43-57.
12. P. de Chambrier, op. cit., p. 68.
13. Idem, p. 31.
14. Idem, p. 68.
15. N. Jas, op. cit., p. 38 et suite.
16. M. Crosland, Science under Control: The
French Academy of Sciences. 1795-1914.
Cambridge University Press, Cambridge,
1992.
17. M. Finlay, « The Rehabilitation of an Agricultural
Chemist: Julius von Liebig and
the Seventh Edition », in Ambix, 38, 1991,
p. 137-167 ; W. Brock, Justus von Liebig:
the Chemical Gatekeeper, Cambridge University
Press, Cambridge, 1997.
18. J. von Liebig, Die organische Chemie in ihrer
Anwendung auf Agrikultur und Physiologie,
1840.
19. R. Schmitt, NDBA, op. cit. ; Voir aussi :
C. Fonanon, A. Grelon, « Jean Boussingault
(1802-1887) : Professeur d'Agriculture
(1845-1848), de chimie agricole
(1851-1887) » in Les professeurs du Conservatoire
National des Arts et Métiers, 2
tomes, INRP/CNAM, Paris, 1994, p. 246-
258 ; A. Lacroix, « Notice historique sur
J. B. Boussingault », Académie des Sciences,
Séance publique du 13.12.1926.
20. S. Reichrath, Entstehung und Stand der
Agrarwissenschaften in Deutschland und
Frankreich, Ed. Peter Lang, Frankfurt,
1991 (Hochschulschriften) ; M. Finlay,
"Science, Practice and Politics : German
Agricultural Experiment Stations in the
Nineteenth Century", UMI Dissertation
Services, Michigan, 1992.
21. A. Pleger,« J. B. Boussingault und Schloss
Liebfrauenberg », in Mein Elsassland,
1920/21, Colmar, 1921, p. 390-394.
22. P. de Chambrier, op. cit.
23. D. Pestre, « Pour une nouvelle histoire
sociale et culturelle des sciences: nouvelles
définitions, nouveaux objets, nouvelles
pratiques », Annales Histoire, Sciences Sociales,
1995, p. 487-522.
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