Nos - Revue des sciences sociales
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ésumés<br />
sorcières, où le diable règne en maître.<br />
Gare aux quelques hommes courageux,<br />
trop curieux ou avi<strong>des</strong> de trésors, qui<br />
osent affronter ces puissances presque<br />
toujours maléfiques.<br />
SANDRA GEELHOED AIDARA<br />
Entre ponant et levant<br />
Le train de nuit, entre Brest et Strasbourg,<br />
en passant par Paris, est une<br />
métaphore du travail du sociologue. La<br />
démarche du métier s’y dévoile en toute<br />
simplicité : discuter et échanger, demander<br />
et répondre, penser et écrire. Le chercheur<br />
est passager dans le train. Face à<br />
face, côte à côte, il se frotte aux corps <strong>des</strong><br />
autres, à leurs pensées et sentiments. Le<br />
déplacement réveille l’étranger dans l'observateur<br />
: dans la traversée nocturne, la<br />
posture de « l’estrangement » de l’anthropologue<br />
– à la fois proche et distant – est<br />
son seul point fixe dans une vie construite<br />
sur le cheminement permanent.<br />
SANDRA GEELHOED AIDARA<br />
Un message de la nuit <strong>des</strong> temps.<br />
Jean-Loup Welcomme sur les traces<br />
du Baluchitherium<br />
En 1994, le paléontologue Jean-Loup<br />
Welcomme découvre plusieurs gisements<br />
de fossiles dans le désert du Balouchistan<br />
pakistanais. Parmi les ossements qui sont<br />
mis au jour dans les années qui suivent,<br />
il y a les restes d’un mammifère géant,<br />
le Baluchitherium, un colosse de neuf<br />
mètres de long et cinq mètres de haut,<br />
cousin lointain <strong>des</strong> rhinocéros, qui vivait<br />
il y a plus de vingt millions d’années et<br />
présente la caractéristique originale, au<br />
milieu de ces grands disparus, d'être un<br />
mammifère. La mission n'est pas que d'un<br />
intérêt scientifique, elle est l'occasion<br />
d'une rencontre sur le terrain entre le<br />
scientifique européen et les populations<br />
qui vivent sur place. La région est considérée<br />
comme l'une <strong>des</strong> plus inhospitalières<br />
du monde, une plaque tournante du<br />
terrorisme islamiste. Welcomme comprend<br />
que, sans le soutien <strong>des</strong> seigneurs<br />
et guerriers Baloutches, il ne pourra<br />
engager ses fouilles. Sa mission est ainsi<br />
également l'histoire d'une intégration du<br />
chercheur aux coutumes d'un peuple, et<br />
de la réappropriation culturelle du travail<br />
de fouille et du fossile par ce dernier.<br />
LUC GWIAZDZINSKI<br />
Cerner la nuit urbaine<br />
Comme l’organisme humain, la ville<br />
a une existence rythmée par l'alternance<br />
jour-nuit. Pourtant, si on s’intéresse de<br />
plus en plus à la ville, on oublie encore<br />
souvent sa dimension nocturne. Cette<br />
amnésie touche autant les édiles, urbanistes,<br />
aménageurs et techniciens que<br />
les scientifiques. Dans nos régions où le<br />
«non-jour» atteint en hiver les deux tiers<br />
d’une journée, il y a pourtant une vie<br />
après le jour. La nuit urbaine n’est plus la<br />
période d’obscurité complète symbolisée<br />
par le couvre-feu et le repos social qui inspirait<br />
les artistes en quête de liberté, servait<br />
de refuge aux malfaiteurs et inquiétait<br />
le pouvoir. Colonisée par la lumière et les<br />
activités du jour, elle est devenue le théâtre<br />
de nouveaux conflits entre individus<br />
ou quartiers qui dorment, qui travaillent<br />
ou qui s’amusent. Dimension oubliée de<br />
la ville et champ de tensions central, la<br />
nuit doit s’ouvrir à l’investigation scientifique.<br />
Le géographe propose une première<br />
exploration de la ville la nuit qui<br />
s’appuie sur deux pôles contradictoires :<br />
liberté et insécurité. Il cherche à définir<br />
la nuit urbaine, ses limites et ses rythmes,<br />
met en évidence enjeux et tensions qui<br />
accompagnent la conquête et s’interroge<br />
sur l’émergence d’une société en continu<br />
24 heures sur 24.<br />
STÉPHANE JONAS<br />
Jean-Baptiste Boussingault<br />
et l'Alsace<br />
Dans la vie et l'œuvre riches et variées<br />
de Jean-Baptiste Joseph Dieudonné<br />
Boussingault (1802-1887), chimiste,<br />
agronome, homme public et explorateur<br />
de réputation internationale, la période<br />
d'activité et de séjour en Alsace, et<br />
plus spécialement dans l'Outre Forêt (à<br />
Lobsann, Merkwiller-Pechelbronn et<br />
Goersdorf-Liebfrauenberg), occupe une<br />
place fondamentale. Dans le sillage <strong>des</strong><br />
manifestations alsaciennes et locales<br />
de commémoration du bicentenaire de<br />
sa naissance, l'article vise à situer cette<br />
place, en l'intégrant dans l'ensemble de<br />
l'œuvre et de la vie de ce grand savant et<br />
citoyen considéré comme le fondateur de<br />
la chimie agricole en France.<br />
SAIDA KASMI<br />
Jeunes noctambules à Strasbourg :<br />
trajectoires et carrefours<br />
L'article observe la transhumance de<br />
quelques jeunes noctambules à travers<br />
la nuit strasbourgeoise. Alors que ce<br />
moment d'obscurité entre coucher et lever<br />
du soleil est souvent présenté comme le<br />
temps privilégié de la rencontre fusionnelle<br />
avec l'autre, les différences dans<br />
la construction <strong>des</strong> trajets montrent que<br />
chacun a sa conception de la fête, et qu'il<br />
y a en fait autant de nuits que de subjectivités<br />
pour les habiter. La rencontre avec<br />
l'autre et le groupe se produit dans <strong>des</strong><br />
lieux convenus qui sont <strong>des</strong> étapes sur<br />
<strong>des</strong> trajets qui n'appartiennent qu'à chacun<br />
mais dont les solitu<strong>des</strong> peuvent être<br />
ignorées parce ces lieux nocturnes sont<br />
aussi <strong>des</strong> carrefours où plusieurs de ces<br />
trajets font étape et donc s'entrecroisent.<br />
Bars et boites de nuit n'existent pas tant<br />
du fait <strong>des</strong> murs et <strong>des</strong> prestations qu'ils<br />
proposent, que d'être <strong>des</strong> nœuds spatiaux<br />
dans le réseau <strong>des</strong> temporalités individuelles.<br />
Ils n'ont de consistance que par<br />
la nuit qui les fonde, en tant que portes<br />
d'entrée dans celle-ci, et expliquent à<br />
contrario que celle-ci, qui est un temps,<br />
puisse aussi, davantage que le jour, être<br />
saisie comme un espace : puisqu'il y a<br />
<strong>des</strong> êtres qui l'habitent, c'est qu'elle est<br />
un contenant.<br />
MICHEL NACHEZ<br />
La nuit aux carrefours<br />
du cyberespace<br />
Pour l’individu ancré dans le monde<br />
matériel et tissé de matérialité, les frontières<br />
du jour et de la nuit apparaissent<br />
empreintes d’une régularité astronomique.<br />
Mais qu’en est-il pour le cyberjoueur ?<br />
Celui-ci s’investit dans un espace-temps<br />
remodelé et artificiel où le concept de<br />
nuit se développe en de multiples définitions,<br />
où les nuits s’entrecoupent et s’entrechoquent,<br />
où l’on pourrait évoquer un<br />
concept d’univers de non-nuits et de nonjours,<br />
ou encore hors de la nuit, hors du<br />
jour. Ces redéfinitions de la nuit sont-elle<br />
alors porteuses de confusion spatio-temporelle<br />
ou bien initient-elle, chez l’usager<br />
du cyberespace, une réorganisation de<br />
ses représentations ? Lorsque, à travers<br />
le cyberespace, on n’expérimente plus<br />
seulement le Monde mais <strong>des</strong> mon<strong>des</strong>,<br />
l’expérience et la sémantique de la nuit se<br />
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