Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Baszn Özeti '
étaitjàcile, l'administration [de l'Irak] serait
une question d'une tout autre ample,ur, dit
M. Abdel Mahdi. Le problème, c'est que, par
ieur 'Comportement, ils [les' occupants] se
créent des problèmes et nous en créent aussi..
Peut.,être estimen,t-ils que, du fait di. leurs .'
capacités cot/sidérables, ils ont le droit de
tâtonner Ull peu et de cllOisir "1(1meilleure
OptiOIl ulle fois que tOLlSles autres choix
auront été épuisés", comme disait Winston
Churchill ... La 'situation actuelle nous a été
imposée par Saddam Hussein.: Nous nous .
moûvons dans des conditions que. nous
n'avons pas choisies. »
. ~ chute du régime et l'occupation de
l'ji3k auraient-elles donc ouvert Ja boîte de
Pandore? Non. Malgré l'insécurité grandissante,
Bagdad et l'Irak dans son ensemble
ne sont « ni le Liberia, ni le Zaïre, ni le Nige-.
ria »; selon l'expression d'un diplomate.
Mais le chemin pour parveair à apaiser les
'esprits paraît très long.
. Sergio Vieira de Mello, l'envoyé. spécial
de Köfi Annan, secrétaire général des
Nations unies, ne cesse de répéter que la
formation d'lin Conseil intérimaire de gou- .
vernement (CIG) est un grand pas en avant,
et Qlle le Conseil est doté QU pouvoir de
prendre les décisions politiques indispensables
pour acheminer.Ie.pa.ys..vers l'indépendance
et la fin de l'ocèupation : former un
gouvernement provisoire, élaborer une'
Constitution et la faire adopter par référendum,
voire, seion le rapport ,que vient de
dresse'r une commission d'experts onusiens,
orgàniser des élections dans un délai
d'un an. .
L'Irak pourra alors se doter d'un gouver-
. nemerit issu d'un scrutin démocratique. Il
ne restera plus alors à la coalition angloaméricaine
qu'à pUer bagages, conformément
à la dernière résolution du Conseil de
sécurité de l'ONU. Ce calendrier, quasi
idéal par sa densité, est techniquement possible,
mais la question est posée de savoir
s'il pourra être politiquement tenu.
MounaNaim
La dérive terroriste risque d'ouvrir une ère de .chaos.en Irak
LE 1 er MAI, George Bush annonçait
bien imprudemment la fin des
opérations militaires en Irak. En réalité,
la guerre, ou en tout cas sa version
moins spectaculaife et plus
sourde, n'a jamais cessé en Irak.
.ANALYSE
-t'aventure voulue
par George Bush
devient chaque jour
plus dangereuse
Après une euphorie passagère
consécutive à la chute d'un dictateur
honni par la majorité, les premières
attaques contre les soldats
américains ont commencé. Elles
seraient aujourd'hui de l'ordre
d'une douzaine par jour, faisant au
quotidien un ou deux morts parmi
des GI terrorisés, suréquipés mais
mal préparés psychologiquement
aux agressions d'un ennemi iIivisible.
.
Depuis l'attentat commis il y a
deux semaines contre l'ambassade
de Jordanie, on est entré dans une
nouvelle pha,se : celle du terrorisme ..
L'attaque au camion piégé, sans doute
l'œuvre d'un kamikaze, contre le
bâtiment de l'ONU, vient renforcer
l'impression que cette réalité risque,
elle aussi, de devenir quotidienne.
Au cœur de l'Irak, l'ombre d'une
collusion non prouvée, mais possible,
entre les réseaux d'Al-Qaida, les
sunnites extrémistes et les nostaIgi- '
ques de Saddam laisse entrevoir un
avenir angoissant: pour la communauté
internationale, parce que
désormais tout ce qui symbOlise
l'étranger et l'Occident peut devenir
une cible. Pour les Irakiens ensuite,
conscients qu'ils feront les frais d'un
face-à-face solitaire entre la puissance
américaine et les tenants de la violence:
les Nations unies représen-
. tent un élémen~ modérateur et leur
envoyé spécial Sergio Vieira de Mello,
mort dans les décombres des
bureauX onusiens de Bagdad, avait
pesé de tout son poids pour convaincre
le «proconsul» américain en
Irak, Paul Bremer, qu'il était de son
inté~êt de voir se renforcer la légitimité
de la nouvelle instaI1ce de
« gouvernement» irakien. Les extrémistes
l'ont bien compris qui ont
, tué M. Vieira de Mello et tenté de
provoquer le retrait du personnel de
l'ONU. .
Les fondamentalistes «salafistes
» ou autres peuvent, par ailleurs,
très bien vouloir semer la terreur
afin de faire pièce à la montée en
puissance des chiites, majoritaires à
60 % : ces derniers ne se sont-ils pas
taillé la part du lion dans le nouveau
Conseil de gouvernemeht transitoire
irakien formé sous les auspices
américains? Et ce, après des décennies
d'un règne dominé par les
« TIkritiS» sunnites du clan Saddam...
Qui regardent sans doute
.avec rage, aujourd'hui, l'érosion de
leur pouvoir d'antan.
Quant aux Kurdes, les alliés des
AméricilÏns, qui ont bénéficié d'une
autonomie de facto dans leurs montagnes
du nord depuis la fin de la
guerre de libération du Koweït, en
1991, ils peuvent déjà légitimement
se demander comment, à terme, ils
pourront préserver leur marge de
manœuvre. Alors que tout reste à.
faire, qu'une Constitution reste à
écrire, des élections à organiser ... et
le pays à reconstruire. .
Sur le plan économique, les sabotages
renouvelés contre 'oléoducs et
autres infrastructures vitales renfor-.
cent la frustration des Irakiens et les
rendent de plus en plus furieux
contre la pIus grande puissance du
monde, à qui il est instamment
demandé de faire des miracles.
Même si, à terme, on peut tou- .
jours imaginer que les Américains,
leurs alliés, et des Nations unies véritablement
associées à la reconstruction
politique et physique de l'Irak,
parviennent à rétablir la stabilité en
Irak, l'administration Bush va avoir
du mal à Mpasser une contradiction
inhérente à la logique de son intervention.
Ou de ses lendemains: sur
le plan Politique, dans cette période
préélectorale qui a commencé,
Washington souhaiterait sans doute
se débarrasser le plus rapidement
possible du fardeau rrakien mais ne
peut raisonnablement espérer ramener
l'ordre et garantir la sécurité
sans une présence militaire durable
dans un pays qui rejette de plus en
plus la« pax americana».
LE cc MODhE DE TIKRIT »
Autre tâche difficile pour les Américains:
comment, à la fois, permettre
aux petits cadres de l'ancien régime
de se remettre au travail en évitant
de laisser les commandes à des
personnes trop impliquées dans
1'« ère Saddam»? Pourrait-on, par
exemple, étendre à tout l'Irak le
« modèle de Tikrit », la région natale
de Saddam Hussein, oÙ,des officiers
de l'armée au-dessous du quatrième
grade ont été réintégrés dans
la nouvelle police?
Ghassan Salainé, ancien ministre
de la cuIture hbanais et conseiller à
Bagdad de l'ONU, remarquait dans
une récente interview au Nouvel
Observateur : « Politiquement, les
Etats-Unis assimilent l'Irak à l'Allemagne
de 1945. Pour eux, Saddam est
Hitler, le parti Baas est le parti nazi.
Mais cette comparaison n'est pas
juste. Elle a conduit à des e"eurs
magistrales comme les décrets de
"débaasijication" [qui ont
provoqué] des purges de baasistes, '
.renvoyés de lafonction publique. (...)
Et par qui sont-ils remplacés? Par les
protégés des factions locales. Aujour- .
d'hui, la population prie pour qu'on
lui ramène un bon dentiste. Même si .
c'est un baasiste... »
Certes, derrière l'arrogance améri- .
caine et l'impression de décalage
d'avec la réalité que donnent souvent
les soldats de Washington, il
existe aussi des conseils municipaux
fonctionnant sous le contrôle des
officiers de la «coalition» et qui
symbolisent un certain retour à la
normale Politique. En même temps,
plus le temps. passe, plus le chaos
s'ïnstalle et moins les Irakiens font
confiance à l'occupant
nest trop tôt pour parler d'enlisement
américain et agiter le spectre
du Vietnam. Mais l'aventure voulue
par George Bush et ses alliés néoconservateurs
qevientchaque jour
plus dangereuse. Pour tout le
monde.
remonde
Bruno Philip
22 AOÛT 2003
104