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Sciences et Avenir-L'avant Big-Bang

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DOSSIER

Cosmologie

MICHEL LABELLE

« Cette singularité que l’on

appelle Big Bang correspond

à un instant “0”, de taille nulle

et de densité infinie »

Marc Lachièze-Rey, astrophysicien et cosmologiste, directeur de recherche

émérite au CNRS

THE FOUNDATIONAL QUESTIONS INSTITUTE, FQXI.ORG / MAAYAN HAREL. PART (C) ADAPTED FROM ANDREW J. HANSON UNDER CC LICENSE

pace et du temps sous

l’effet de la matière et de

l’énergie. Tandis que l’Univers

tout près de sa naissance avait

une taille de l’ordre de 10 -35 mètre,

voire moins… À ces échelles-là, il

faut recourir à la physique quantique

pour le décrire. L’ennui, c’est que cette

dernière ne correspond pas à une limite

de la relativité générale lorsque la taille

de l’Univers tend vers 0. « Au contraire,

les deux théories semblent incompatibles,

comme le notait déjà Albert Einstein,

rappelle Marc Lachièze-Rey. Par

exemple, quel est le champ de pesanteur,

en relativité générale, associé à

une particule élémentaire dont la mécanique

quantique nous dit qu’elle existe

sous forme de densité de probabilité de

présence ? On l’ignore. Pour une grande

partie de la communauté des physiciens,

la relativité générale n’est donc pas la

description ultime de la gravitation. Il

faut la “quantifier”. Alors, nous pourrions

arriver à une nouvelle description

des débuts de l’Univers, où la singularité

disparaît. Ce qui ouvrirait une porte vers

un avant-Big Bang. »

Avant même de se projeter au-delà de

la singularité, les physiciens aimeraient

déjà s’en approcher au

plus près, comme l’explique

Olivier Minazzoli, physicien

spécialiste de la relativité

à l’observatoire de Nice-

Côte-d’Azur. « Pour le grand

public, le Big Bang correspond

à la singularité initiale, tandis

que les physiciens parlent plutôt de

“modèle du Big Bang” qui décrit l’Univers

lorsqu’il était très dense et très chaud. Or,

ce modèle est considéré comme excellent

jusqu’à environ 10 -12 seconde après le Big

Bang, alors que sa température atteignait

10 millions de milliards de degrés.

Avant ? Il y a la phase d’inflation imaginée

par le cosmologiste américain Alan

Guth en 1980, durant laquelle la taille de

l’Univers a été multipliée par un facteur

gigantesque en une fraction de seconde. Si

elle est largement acceptée aujourd’hui,

elle n’est pas définitivement prouvée

[lire l’encadré p. 40]. Par ailleurs, elle

se serait déroulée 10 -34 seconde après le

Big Bang. Nous ne sommes même pas à

la singularité… »

Le Big Bang, grand rebond d’un

univers précédent ?

Pour l’avant comme pour le juste après

Big Bang, il faut donc disposer d’une gravité

quantique. « C’est un sujet majeur,

et il existe un très grand nombre de tentatives.

Les plus abouties sont la gravitation

quantique à boucles et la théorie

des cordes, même si aucune des deux

ne peut être considérée comme achevée

» regrette Marc Lachièze-Rey. Pour

comprendre la gravitation quantique, il

Le fond diffus cosmologique

représente l’Univers tel qu’il était

seulement 380 000 ans après le Big Bang.

faut remonter à 1966, lorsque les physiciens

américains John Wheeler et Bryce

DeWitt ont l’idée d’appliquer la notion

de fonction d’onde, qui décrit les particules

élémentaires, à l’espace-temps de

la relativité générale. Ils parviennent à

une équation dite de Wheeler-DeWitt

qu’il est bien difficile d’interpréter. Elle

n’est pas liée à la probabilité d’observer

une particule, comme une fonction

d’onde classique, mais certaines configurations

d’espace-temps… Par ailleurs,

elle est très compliquée à résoudre, donc

à utiliser pour faire des prédictions sur la

nature de l’espace-temps quantique. En

somme, l’équation de Wheeler-DeWitt

est un magnifique instrument livré sans

mode d’emploi…

Les physiciens du monde entier vont

s’échiner à en trouver un, avec plusieurs

tentatives dont la plus aboutie est donc

la gravitation quantique à boucles. Elle

a été développée à partir des années

1980 grâce aux travaux notamment de

l’Indien Abhay Ashtekar, puis de l’Américain

Lee Smolin et de l’Italien Carlo

Rovelli. L’idée consiste à réécrire l’équation

de Wheeler-DeWitt sous une forme

plus simple, ce qui permet de calculer

quelques solutions. Sautons

de nombreuses étapes pour

aller au résultat final. Dans le

cadre de cette théorie, l’espace

n’est donc plus continu

mais quantifié. Autrement

dit, toute longueur géométrique

est un multiple de la

plus petite longueur possible, dite

de Planck, de 10 -35 mètre. L’espace à

trois dimensions est donc formé de cubes

de 10 -35 mètre d’arête, qu’il est impossible

de diviser davantage. Ces quanta se

NASA / WMAP SCIENCE TEAM

N° 909 - Novembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 39

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