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Sciences et Avenir-L'avant Big-Bang

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ACTUALITÉS

Prix Nobel 2022

loppement, pour obtenir une source

plus petite et intense. Avec deux ingénieurs,

j’ai mis cinq ans pour la mettre

au point, avant d’être rejoint par deux

étudiants qui commençaient une carrière

qui allait être brillante : Philippe

Grangier et Jean Dalibard [professeur

au Collège de France, qui a reçu

la médaille d’or du CNRS en 2020].

Quels résultats avez-vous obtenus ?

J’ai commencé par reproduire les

premières expériences de l’équipe

de John Clauser, avec une bien meilleure

précision, puis, en 1982, j’ai

utilisé des polariseurs d’un nouveau

type et des commutateurs que

j’ai dû construire moi-même. Les

deux polariseurs et les détecteurs

étaient situés à 12 mètres l’un de

l’autre. Pour démontrer sans ambiguïté

la « non-localité quantique »

— c’est-à-dire le fait que la mesure

de l’état d’un des photons jouait instantanément

sur celui de l’autre —,

je changeais l’orientation des polariseurs

au dernier moment, afin qu’aucune

influence ne puisse affecter

l’autre polariseur, sauf à voyager plus

vite que la lumière. Cette expérience

a finalement montré que deux photons,

même éloignés de 12 mètres,

semblent s’influencer à distance de

manière instantanée et que la nonlocalité

quantique existe bel et bien.

Ce n’est qu’en 1988 que l’expérience

a été reproduite, en Autriche, par

l’équipe d’Anton Zeilinger, tandis

qu’en Suisse une équipe montrait

que la non-localité survit à une

distance de 30 kilomètres ! [Anton

Zeilinger a ensuite mis en œuvre la

téléportation quantique qui est à la

base des systèmes de communication

quantique.] Attention, cela ne

signifie pas pour autant qu’on peut

transmettre un signal utilisable plus

vite que la lumière. La démonstration

est subtile, elle met en jeu le

caractère probabiliste de la théorie

quantique. La boucle est bouclée.

Propos recueillis par Jean-François Haït

CHIMIE

L’avènement

de la chimie

« facile »

Le prix a été attribué aux Américains Carolyn Bertozzi et Karl Barry

Sharpless et au Danois Morten Meldal pour leur contribution au

développement de la « chimie click » et de la « chimie bio-orthogonale »,

deux nouveaux domaines de la chimie aux applications prometteuses.

« Chimie click » et « chimie bioorthogonale

» : deux nouveaux

domaines de la chimie moderne

aux noms peu connus sur lesquels l’Académie

royale des sciences de Suède

vient de mettre un grand coup de projecteur

avec le Nobel de chimie. De

quoi s’agit-il ? En 2001, Karl

Barry Sharpless publie un

article dans lequel il décrit

le concept de « chimie

click » que l’on pourrait

traduire par chimie facile.

« Ce premier article est une

révolution conceptuelle

qui s’inspire d’une observation

: lorsqu’on met

certaines petites unités

chimiques ensemble, avec

un catalyseur de cuivre,

elles “cliquent” [se lient]

d’un seul coup, explique

Frédéric Taran, chercheur

au Service de chimie bioorganique

et de marquage

à l’institut Frédéric-Joliot (CEA, Saclay).

Il propose que des molécules complexes

et fonctionnelles puissent être efficacement

synthétisées à l’aide d’une

approche modulaire, c’est-à-dire en

assemblant des petits modules moléculaires

grâce à un ensemble limité de

réactions très robustes. »

AFP / IKE SHARPLESS / AFP

Les lauréats

(de gauche à droite)

Carolyn Bertozzi,

55 ans, États-Unis,

université Stanford.

Karl Barry Sharpless,

81 ans, États-Unis,

Institut de recherche

Scripps.

Morten Meldal,

58 ans, Danemark,

université de

Copenhague.

L’efficacité de cette approche est confirmée

la même année par Morten Meldal.

Carolyn Bertozzi veut l’adapter aux

milieux biologiques. Problème : le cuivre

est toxique pour les cellules vivantes.

« Elle a dès lors développé une chimie

dont les réactions ne perturbent pas

celles qui se produisent déjà

dans les cellules, poursuit

Frédéric Taran. C’est pour

cela qu’elle la décrit comme

une chimie “bio-orthogonale”.

» Elle trouve ainsi la

solution pour se passer de

cuivre en utilisant d’autres

unités chimiques. « Tous

ces travaux ont été à l’origine

d’une discipline, la

chémobiologie, avec des

journaux et des congrès

dédiés. La chimie click a

déjà été utilisée pour lier

une molécule qui cible une

cellule cancéreuse à une

molécule de chimiothérapie

ou pour administrer un anticancéreux

qui s’active de façon ciblée sur

une tumeur. » Un avenir prometteur

désormais cautionné par la plus haute

distinction scientifique pour les pionniers

de la discipline.

Mathias Germain

@Germain41

10 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909

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