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Sciences et Avenir-L'avant Big-Bang

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NATURE

Reportage

A

Quelques jours plus tard, Kamak

navigue dans l’Hurry Inlet, l’un des

bras du fjord. La mer est d’huile, un

ruban de brume s’étire paresseusement

au-dessus de l’eau. Le voilier jette

l’ancre devant la ravine de Vardeløft,

à l’est de la Terre Jameson. Peu après,

l’équipe accoste sur une grève de galets

parsemée de troncs flottés, arpente

de lourdes plaines de tourbes marquées

d’empreintes de bœufs musqués,

avant de gravir les versants de la ravine.

Pierre Sans-Jofre et Juliette Maury, coordinatrice

logistique de Greenlandia,

se lancent dans une pénible ascension,

à la recherche de fossiles. Car

cette Terre Jameson constitue un véritable

livre d’histoire naturelle : chaque

strate rocheuse est une page qui permet

de remonter à l’ère des dinosaures

— le jurassique — et au trias, l’ère qui

l’a précédée. Ce conservatoire géologique

unique a été découvert par des

scientifiques danois, notamment par

le géologue Lauge Koch, qui a consacré

une partie de sa vie à l’exploration

du Groenland. Des géologues français

embarqués à bord du Pourquoi Pas ?

vont lui succéder en 1925 et 1926, récoltant

nombre de fossiles, parfois endémiques,

conservés dans les schistes et

les grès de ce « paradis des géologues »,

selon les mots de Jean-Baptiste Charcot

(Dans la mer du Groenland, 1928).

La Terre Jameson permet ainsi d’étudier

la transition entre le trias et le juras-

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Quand les morues arctiques sonnent l’alarme

JULIETTE MAURY/GREENLANDIA

L’océanographe canadienne

Caroline Bouchard mesure les juvéniles

de poissons piégés grâce à un filet

à plancton (à gauche). Ci-dessus,

un échantillon de zooplancton.

JULIETTE MAURY/GREENLANDIA

Lors de l’Année polaire

internationale de 1932,

des scientifiques embarqués

à bord du Pourquoi Pas ?

avaient effectué des

dragages dans le fjord

Scoresby et avaient à cette

occasion découvert

trois nouvelles espèces de

crustacés. En août 2022, le

volet marin de l’expédition

Greenlandia a effectué des

prélèvements de larves et de

jeunes poissons jusqu’à

60 mètres de profondeur.

Caroline Bouchard,

océanographe au centre de

recherche climatique du

Groenland, s’intéressait plus

particulièrement aux

juvéniles de morues

arctiques (Boreogadus

saida), très sensibles au

réchauffement climatique

actuel. « Les œufs de morues

arctiques supportent un

maximum de 3 °C, les

larves 5 °C et les adultes

10 °C. Si les eaux se

réchauffent trop, les larves

vont mourir en grandes

proportions », souligne

Caroline Bouchard. De

même, l’apport d’eaux

douces par la fonte des

glaciers est néfaste pour ces

organismes. C’est d’autant

plus inquiétant que la

morue arctique est une

CREDIT

proie essentielle pour les

orques, phoques, narvals,

baleines, oiseaux de mer,

etc. « Le bas Arctique

est déjà en train de changer :

des espèces concurrentes

et des prédateurs comme

la morue atlantique

remontent, remarque

Caroline Bouchard.

Il est probable qu’à terme,

la morue arctique migre

à son tour. »

58 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909

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