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DOSSIER
Cosmologie
cosmologistes se sont retrouvés ainsi
débordés par leur projet de décrire
l’Univers dans son ensemble, leurs
théories les conduisant à chaque fois
vers des « au-delà » : soit spatiaux,
comme dans le cas des univers
parallèles, soit temporels comme dans
le cas des univers cycliques. D’où le
foisonnement des recherches actuelles
sur un avant-Big Bang.
Sont-elles scientifiquement légitimes ?
Au début du XIX e siècle, le philosophe
Auguste Comte était persuadé que
l’on ne connaîtrait jamais la
composition des étoiles puisqu’on
ne peut pas y avoir accès. Mais il a
été démenti quelques dizaines
d’années plus tard avec le
développement de la spectroscopie
astronomique. Il ne faudrait pas
commettre une erreur similaire
concernant l’avant-Big Bang : des
indices seront peut-être un jour
mis en évidence ! Ces recherches
restent cependant très
spéculatives. Celles qui se
concentrent sur la phase
extrêmement dense et chaude
identifiée au Big Bang tout
comme celles, plus globales,
imaginant une succession
d’univers antérieurs au nôtre. Les
premières s’appuient sur la
théorie des cordes ou de la
gravitation quantique à boucles
qui visent à unifier la mécanique
quantique et la relativité générale. Mais
aucune n’a vraiment abouti et toute
vérification expérimentale apparaît
encore illusoire, ou du moins très
lointaine. Les cosmologies cycliques —
des sortes d’univers parallèles non pas
dans l’espace mais dans le temps —
reposent, elles aussi, sur de très
hypothétiques ingrédients.
La cosmologie cyclique de Roger
Penrose propose des preuves
mesurables. Un gage de crédibilité ?
Comme d’autres partisans des
cosmologies cycliques, Roger Penrose
estime que le Big Bang n’aurait pas effacé
toutes les traces de l’univers précédent et
que certaines seraient toujours
détectables. C’est ce qui ferait que sa
théorie ne serait pas une simple
spéculation ! Ce critère ne saurait
néanmoins suffire. Car pour qu’une
théorie devienne vraiment crédible, il
faut aussi qu’elle décrive et prédise
correctement un grand nombre de
phénomènes. Et cela, mieux que les
modèles concurrents. Dès lors, même si
les prédictions de Roger Penrose étaient
corroborées par quelques mesures
expérimentales, son modèle aura du mal
à s’imposer. En outre, bien peu
d’éléments de la phase précédente et
encore moins de l’ensemble des cycles
peuvent être corroborés. Dans le meilleur
des cas, il restera donc dans le registre des
simples plausibilités, ce qui est une autre
façon de parler de spéculations ! Rien
d’étonnant. Car dès que nous dépassons
notre « voisinage » spatial ou temporel,
nous butons sur des apories, sur les
limites de notre propre pensée et sur
notre incapacité à appréhender le tout.
Propos recueillis par F. D.
mologie cyclique conforme de Roger Penrose
— que je trouve personnellement
fascinante —, ils montrent que cette
théorie n’est pas étayée par les données
actuelles du fond diffus cosmologique »,
signale Eve Bodnia. Pour poursuivre les
investigations, ajoute la physicienne,
il faudrait soit des mesures plus précises
du fond diffus cosmologique,
soit d’autres prédictions théoriques —
sur la distribution ou la formation des
galaxies par exemple. « Nous envisageons
actuellement d’autres signatures
possibles de la CCC », nous annonce
du reste, et sans autre forme de précision,
Vahe Gurzadyan. Mais même si
ces travaux sont voués à l’échec, « ils
poussent les partisans de la cosmologie
standard à renforcer leurs arguments »,
relève Jean-Pierre Luminet. Et illustrent
l’importance de penser parfois hors du
cadre pour faire de nouvelles découvertes.
« Car il en va des théories comme
de la pêche, conclut l’astrophysicien.
Seul celui qui lance risque d’attraper
quelque chose. » F. D.
@fdaninos
N° 909 - Novembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 47