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TRANSVERSALES
Chroniques
CLIMAT PAR CHRISTOPHE CASSOU ET CÉLINE GUIVARCH
S’acculturer aux enjeux
écologiques
Christophe Cassou,
directeur de
recherche au CNRS,
auteur principal du
6 e rapport du Giec
(Groupe d’experts
intergouvernemental
sur l’évolution du
climat), groupe 1.
Céline Guivarch,
directrice de
recherche à l’École
des ponts, auteure
principale du
6 e rapport du Giec,
groupe 3.
A. BILLET / UNIVERSCIENCE
Les chantiers de formation aux enjeux
climatiques et de biodiversité s’ouvrent partout.
La sévérité des impacts de cet été en accélère la
dynamique. Comprendre et prendre la mesure
de l’urgence à agir sont présentés comme des
nécessités pour engager des actions
d’adaptation à un climat qui change vite, et des
actions de transformation de nos
infrastructures et modes de vie vers une société
bas carbone plus résiliente. Devenir acteur et
actrice de ces transformations majeures en
conscience et en connaissance, tel est l’objectif
visé. Il se décline à tous les niveaux de prise de
décision (État, collectivités, entreprises, etc.),
mais aussi dans les médias et pour
l’engagement des citoyens, avec des enjeux
d’éducation pour les plus jeunes. Attention
cependant à ce que cette effervescence de
formations ne soit pas un « cache-misère » pour
donner l’impression d’agir maintenant, alors
que les mesures concrètes sont repoussées à
plus tard. Une attention spéciale doit aussi être
portée aux contenus de ces formations qui,
au-delà de la prise de conscience de l’ampleur
des enjeux, doivent également permettre
d’appréhender leurs dimensions sociales, de
questionner notre relation aux vivants et aux
communs, nos systèmes de valeurs et de prises
de décision dans les dynamiques de
transformations. Ainsi, attention à ne pas
évacuer l’aspect éminemment politique des
décisions. Mais, au moins, si des choix
« climaticides » sont pris, personne ne pourra
dire qu’il ne savait pas.
MATHÉMATIQUES PAR CLAIRE MATHIEU
Quand les chercheurs
s’expriment
Directrice de
recherche au CNRS,
Institut de recherche
en informatique
fondamentale
(CNRS/université
Paris Cité).
CLAIRE MATHIEU
Quand nous autres chercheurs prenons
la parole dans l’espace public, il y a
deux risques : soit excéder notre rôle avec des
affirmations dont la crédibilité repose sur
nos connaissances scientifiques, alors qu’il ne
s’agit pas de notre domaine de compétence ;
soit refuser de nous engager sur toute question
autre que celle de notre sujet de recherche.
Pourtant, nos connaissances débordent
largement de ce cadre. Ainsi, on peut faire de la
recherche sur les algorithmes d’approximation,
mais aussi bien connaître la conception et
l’analyse d’algorithmes ; et plus généralement,
posséder une base scientifique solide à partir de
laquelle appréhender les questions de sciences.
Quelle valeur mon opinion a-t-elle alors ? Selon
que je m’exprime en tant que spécialiste de
la question, du domaine, de la discipline, ou en
tant que scientifique, ou simple citoyenne,
ma parole a plus ou moins de poids. Et le silence
est une option coûteuse puisque l’espace de
discussion est alors occupé par d’autres, qui
risqueraient de propager des idées fausses sans
rencontrer d’opposition solidement enracinée
dans un savoir technique. Une possibilité pour
éviter ces écueils serait de faire reposer
son discours sur des références au niveau
approprié : articles quand on parle de
son domaine, livres pour parler de sa discipline,
ouvrages grand public autrement. Cela
permettrait de s’exprimer en public tout en
restant dans le registre approprié.
102 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909