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SANTÉ
Physiologie
A du bâillement comme mode de thermorégulation,
selon la théorie dite du
radiateur. Une hypothèse ne reposant
toutefois sur aucune mesure de température
prise au niveau cérébral. Un
défaut qui lui a valu d’être vertement
critiqué par de nombreux chercheurs.
Sa théorie sera d’ailleurs balayée par des
calculs d’un pharmacologue finlandais
de l’université d’Helsinki, Hannu Elo,
publiés dans Sleep Medicine en 2011.
Celui-ci y démontrait qu’il est impossible
de faire baisser la température
corporelle en bâillant.
La zone cérébrale impliquée
n’est toujours pas identifiée
Si le cerveau n’est pas la cible du bâillement,
il en est néanmoins l’acteur. On
sait aujourd’hui que plusieurs structures
cérébrales (noyau paraventriculaire
de l’hypothalamus, bulbe, pont…)
sont impliquées, sans oublier différents
neurotransmetteurs (dopamine, ocytocine,
acétylcholine…). Néanmoins,
« aucune structure cérébrale s’apparentant
à la zone du bâillement n’a
à ce jour été identifiée », affirme Olivier
Walusinski. La recherche sur ce
point est toutefois mouvante : un travail
publié en septembre dans Behavioural
Brain Research par l’équipe de Natsuko
Kubota, de l’université de Tokyo (Japon),
a permis d’identifier, lors d’un bâillement
chez le rat dans des conditions
particulières de stress, des connexions
cérébrales jusqu’ici inconnues entre le
noyau supraventriculaire de l’hypothalamus
et l’amygdale, la zone de contrôle
des émotions.
STRESS
Une méthode de relaxation efficace
Fort de sa revue de la littérature scientifique,
Olivier Walusinski a sa propre
théorie sur la fonction du bâillement,
qu’il définit comme un accélérateur
de changement d’état. Quand l’environnement
ne stimule plus suffisamment
notre attention, nous bâillons
pour nous reconnecter et sortir d’un
état de méditation. Au sein du liquide
cérébral, sont présents de nombreux facteurs
dits hypnogènes (peptide vasoactif,
prolactine, endocannabinoïde, prostaglandine
PGD2… ), dont le rôle est d’induire
le sommeil lors de l’étirement de
la colonne vertébrale. Le fait de bâiller
contribuerait à diminuer localement la
concentration de ces facteurs et donc
à maintenir l’éveil. Mais il ne s’agit que
d’une hypothèse car il reste à démontrer
que la concentration des molécules est
Socialement porteur d’une signification d’ennui et de fatigue, le bâillement peut
néanmoins s’avérer une excellente méthode de relaxation et d’échappement au
stress, très bien connue des adeptes du yoga et de la gymnastique douce mais
aussi des artistes (avant de monter sur scène) et des sportifs. Aux jeux Olympiques
de Vancouver (Canada) en 2010, un patineur de vitesse américain, Apolo Ohno,
avait confié aux commentateurs sportifs que le but de cette routine était de
s’oxygéner le cerveau. Une idée fausse, mais bâiller lui permettait en réalité de se
décontracter tout en s’assurant une meilleure concentration pour l’épreuve à venir.
Le bâillement chez le fœtus s’observe dès la douzième semaine de vie
et est plus fréquent que l’adulte (image obtenue par échographie 4D).
différente avant et après le bâillement.
Si celui-ci est la plupart du temps physiologique
et survient lors de moments
de fatigue et de dette de sommeil, ou
au cours de certaines activités (éveil,
coucher, repas, interactions avec les
autres…), il peut aussi être lié à certaines
maladies (accident vasculaire
cérébral, migraine, épilepsie, schizophrénie,
autisme…). La prise de médicaments
peut également être un facteur
de son déclenchement. Dans un rapport
français de pharmacovigilance établi en
2007, une quarantaine de molécules ont
ainsi été identifiées. Principaux responsables
: certains antidépresseurs de la
famille des inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine, souvent à l’origine de
bâillements répétés en salves. « Un symptôme
souvent mal interprété tant par les
patients que par leurs thérapeutes, précise
Olivier Walusinski. Perçus comme une
persistance de l’état dépressif, ils peuvent
conduire à tort à une augmentation des
doses et s’aggraver, alors que seule leur
diminution les ferait disparaître. »
Dernier point, il ne faut pas négliger
les bienfaits du bâillement : il relaxe,
au point que certains sportifs le pratiquent
avant une épreuve (lire l’encadré
ci-contre). J Sylvie Riou-Milliot
* www.baillement.com
REISSLAND N, FRANCIS B, MASON J (2012)/PLOS ONE
78 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909