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ACTUALITÉS
Prix Nobel 2022
JENS SCHLUETER / GETTY IMAGES / AFP
Svante Pääbo , 67 ans, dirige l’Institut d’anthropologie Max-Planck de Leipzig (Allemagne).
MÉDECINE
L’homme qui est
parvenu à lire l’ADN
de nos ancêtres
Le biologiste suédois Svante Pääbo a été honoré pour ses découvertes
concernant le génome d’homininés et l’évolution humaine. En 2009,
il est parvenu à séquencer le génome de l’homme de Neandertal.
Comme pour Alain Aspect, le nom
de Svante Pääbo circulait depuis
des années, cette fois pour le
Nobel de médecine. Le biologiste suédois
Svante Pääbo se voit finalement
couronner 40 ans après que le prix a été
attribué à son « père caché », le biochimiste
suédois Sune Bergström (1916-
2004). « Caché » car le scientifique est
né d’une relation extraconjugale et porte
le nom de sa mère, la biochimiste estonienne
Karin Pääbo.
Actuellement directeur de l’Institut d’anthropologie
Max-Planck de Leipzig (Allemagne),
Svante Pääbo a été honoré pour
ses découvertes concernant le génome
d’homininés et l’évolution humaine.
« En révélant les différences génétiques
qui distinguent tous les humains vivants
des homininés disparus, ses découvertes
ont donné la base à l’exploration de ce
qui fait de nous, humains, des êtres
aussi uniques », a salué le jury du Nobel.
Dans sa biographie Neandertal : à la
recherche des génomes perdus (Les liens
qui libèrent, 2015), le biologiste raconte
l’épopée de la paléogénétique, discipline
qu’il a largement contribué à forger
depuis les années 1980. Le chercheur a
d’abord analysé l’ADN de momies égyptiennes
et d’Ötzi, un homme ayant vécu
3300 ans avant J.-C. et qui fut naturellement
momifié dans un glacier italien.
Il a aussi collecté des crottes de
paresseux et des os d’ours des cavernes.
Jusqu’au graal : le séquençage, en 2009,
du génome de l’homme de Neandertal,
à partir d’ossements récupérés à Vindija,
en Croatie. Séquençage qu’il complétera
un peu plus tard avec l’analyse d’un
autre ADN néandertalien, celui d’une
femme provenant de la même grotte.
L’homme de Denisova a pu être
identifié grâce à ses travaux
Dans la foulée des scientifiques, tel
Craig Venter, qui avaient décrypté le
génome humain, Svante Pääbo et ses
équipes se sont attaqués à un défi
autrement plus compliqué : reconstituer
des génomes d’homininés disparus
dont l’ADN nucléaire nous
parvenait incomplet et très dégradé.
Fin 2006, Svante Pääbo annonçait avoir
déchiffré un million de ces petites
lettres — T, C, A, G — qui composent
l’ADN. Un an plus tard, il parvenait
à 70 millions puis, en 2009, à plus de
trois milliards de lettres.
Aujourd’hui, grâce à la paléogénétique,
nous savons que Neandertal et Homo
sapiens avaient des génomes identiques
à 99,5 %. Les résultats ont permis d’apprendre
que nous avions une petite part
d’ADN néandertalien en nous, variant
de 1 % à 4 % selon les individus. Cet
apport n’est pas toujours anodin. En
2020, Svante Pääbo a montré que l’ADN
hérité de Neandertal pouvait aggraver
les formes de Covid-19. Les travaux du
généticien suédois et de son équipe ont
enfin permis d’identifier en 2010 une
espèce inconnue, l’homme de Denisova.
Et ce à partir de la seule analyse
d’une phalange d’auriculaire de la main
gauche d’une fillette retrouvée dans la
grotte du même nom, en Sibérie. Pour
lui, une seule question subsiste : « Tentera-t-on
un jour de ressusciter Neandertal
? » Rachel Mulot @RachelFleaux
N° 909 - Novembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 11