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HISTOIRE
Reportage
A et deuxième étages), en grande partie
libérés du tuf volcanique par Amedeo
Maiuri à partir de 1927. En trois
décennies, l’archéologue italien révéla au
grand jour une cité antique jusqu’à son
niveau romain, situé à 25 mètres de profondeur.
Une prouesse technique pour
l’époque, qui rend encore aujourd’hui ce
lieu unique dans le monde de l’archéologie
antique, où ne subsistent généralement
que quelques mètres de murs tout
au plus. « Amedeo Maiuri a non seulement
réussi à garder des maisons entières
debout, mais il est aussi parvenu à préserver
des peintures, des mosaïques, des
sculptures, et surtout un grand nombre
d’éléments en bois, vestiges organiques
rarissimes pour leur fragilité », énumère
Nicolas Monteix, archéologue spécialiste
d’Herculanum et maître de conférences
à l’université de Rouen.
Un lieu totalement fermé au
public jusqu’en 2017
Malgré la réussite de ce chantier titanesque,
une vaste partie d’Herculanum,
recouverte dès le xviii e siècle par
la ville moderne de Resina (rebaptisée
Ercolano en 1969), ne put être explorée.
Le théâtre, lui, ne fut jamais dégagé,
condamné à être arpenté depuis le
sous-sol, et non à l’air libre comme le
reste du parc. Cette situation lui valut
de rester totalement fermé au public
jusqu’en 2017. Il faut dire que la promenade
n’est pas des plus familiales : pour
y descendre, casque, bonnes chaussures
et lampe frontale sont nécessaires.
ARCHÉOLOGIE
Des objets en bois bien conservés
Le théâtre n’a jamais été dégagé,
condamné à être arpenté
depuis le sous-sol, et non à l’air libre
comme le reste du parc archéologique
Il faut surtout être accompagné d’un
guide pour encadrer une déambulation
d’une heure à travers des couloirs
humides et glissants à force de dépôts
calcaires. Depuis sa nomination à la
tête du parc archéologique d’Herculanum
il y a cinq ans, Francesco Sirano,
archéologue spécialiste du monde
gréco-romain, rêve pourtant de faire du
théâtre un espace aussi accessible que
le reste du domaine : « Si cela ne tenait
qu’à moi, j’ouvrirais ce lieu incroyable
tous les jours. Mais nous manquons de
personnel pour pouvoir assurer cet accès
quotidien en toute sécurité. » En 2017, il
avait déjà fallu de l’audace pour décider
d’embarquer des touristes, même en
petit nombre, dans ce sombre dédale.
Avant cela, le lieu n’avait été que sporadiquement
ouvert, comme au cours
des xviii e et xix e siècles, lorsque les passionnés
de vieilles pierres pouvaient
occasionnellement y descendre pour
satisfaire leur curiosité et alimenter
leurs carnets de voyage. Depuis avril
dernier, des visites régulières ont enfin
été instaurées.
À mesure que l’on s’enfonce, la fraîcheur
et l’humidité s’accentuent. L’espace
dans lequel on débouche est haut
Herculanum est le site antique qui a légué le plus d’objets usuels romains en
matériaux organiques, dont certains extraordinairement conservés. On peut
notamment admirer dans le petit musée aménagé sur le site une luxueuse
armoire, des commodes, une table de chevet, un guéridon à trois pieds, un lit
et même un berceau à bascule, tous en bois et encore entiers ! Ont également
été retrouvés des fonds de panier en osier, des morceaux de textile ou encore
un nécessaire de chirurgie en cuir. Mais ce qui fascine le plus les archéologues
reste peut-être les 1838 rouleaux de papyrus préservés par les boues brûlantes
au sein de la bibliothèque de la villa des Papyrus, dont nous savons qu’une
partie contient des textes de philosophie grecque.
de plafond, encadré par les tribunalia,
sortes de loges d’honneur réservées
aux VIP de l’époque. Malgré cette
indication, il est impossible de se repérer
dans l’espace, percé de nombreux
petits couloirs qui débouchent tantôt
vers des culs-de-sac, tantôt vers d’autres
parties de la salle. Construit à l’époque
d’Auguste (premier empereur romain,
de 27 à 14 avant J.-C.), le théâtre avait
une capacité d’environ 2500 personnes
et une forme typiquement romaine : les
spectateurs y prenaient place dans des
cavea — des gradins — de trois catégories
différentes, chacune correspondant
à un statut social. Seule une petite portion
de ces gradins est encore visible, à
travers laquelle il est possible d’entrevoir
un bout de ciel. La scène frontale,
partiellement dégagée, avait quant à
elle l’apparence d’une façade de bâtiment
classique, décorée de colonnes et
de statues encastrées dans des niches.
Tout commence en 1709 quand
un paysan fore un puits
Une surprise se cache un peu plus loin,
au fond d’un minuscule corridor. Francesco
Sirano éclaire le plafond. Après
de longues secondes à observer le noir
surplombant, un trou se dessine. Un
simple trou. Mais dont la charge symbolique
est énorme : « C’est le puits. C’est
là que tout a commencé. » En 1709, en
forant un puits dans son champ, un
paysan nommé Enzechetta tombe sur
un morceau de marbre. De cette cavité,
il ne tarde pas à ressortir des dizaines
d’autres éclats de nuances différentes.
La nouvelle parvient jusqu’aux oreilles
d’Emmanuel Maurice de Lorraine, futur
duc d’Elbeuf qui, fiancé à une princesse
napolitaine, se fait construire au
même moment une somptueuse villa
A
84 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909