You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
DOSSIER
Cosmologie
dinairement denses et chauds, donc
de nouveaux Big Bang. Comment cela
serait-il possible ? Roger Penrose exploite
pour cela un certain type d’opérations
mathématiques appelées « transformations
conformes ». « Elles modifient
les distances — et donc la taille
des objets — mais conservent les angles,
explique François Béguin, du Laboratoire
analyse, géométrie et applications
(Laga) de l’université Sorbonne
Paris Nord. C’est par de telles transformations,
par exemple, que le globe
terrestre est représenté sur les cartes de
navigation maritime : les distances sont
contractées ou dilatées au voisinage de
chaque point mais les directions restent
les mêmes. » Or, en combinant de telles
opérations aux équations de la relativité
générale, le Britannique établit une
équivalence entre un stade d’expansion
infini de l’Univers et un état primordial
infiniment contracté. La métrique de
l’espace-temps se prolonge ainsi d’un
bord d’univers à un autre. « Et ceux-ci
se connectent deux à deux sans passer
par une singularité, s’émerveille François
Béguin. C’est certes une vue purement
mathématique de la réalité, mais
toutes les théories physiques peuvent
être considérées comme telles. »
ARNAUD MEYER / OPALE / LEEXTRA
Des particules sans masse,
une condition indispensable
Pour que cette « cosmologie cyclique
conforme » — retenez l’acronyme CCC
— ait un sens physique et fonctionne,
une condition doit néanmoins être respectée
: toutes les particules doivent
avoir une masse nulle, à l’instar des photons,
au début et à la fin de chaque univers
— Roger Penrose parle d’« éon », se
Ces cercles concentriques seraient l’une des signatures de la cosmologie cyclique
conforme. Ils résulteraient de la collision des ultimes trous noirs de l’éon précédent,
qui laisseraient une trace dans les cartes du fond diffus cosmologique.
référant à la divinité grecque de l’éternité.
Sans quoi la symétrie conforme est
perdue. Pour le stade initial, en deçà de
10 -32 seconde, la théorie ne rencontre pas
de grande difficulté. Car le fameux boson
de Higgs n’aurait pas encore conféré
leur masse aux différentes particules
(protons, électrons, etc.). Et les températures
étaient de toute façon si élevées
que l’énergie cinétique des particules
— et non celle liée à leur masse — avait
largement le dessus. C’est plus problématique
à l’autre bout du temps.
Rien n’atteste, en effet, qu’un univers
extrêmement âgé ne contienne que
des particules sans masse. Roger Penrose
s’appuie néanmoins sur plusieurs
« Tout se passerait comme si
la géométrie de l’Univers ne se
souvenait plus des distances
comme du temps qui s’écoule »
Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au Laboratoire
d’astrophysique de Marseille
phénomènes plausibles. Telle la désintégration
des protons, jamais observée
en laboratoire mais qui pourrait se produire
dans 10 29 années. Ou l’évaporation
quantique des trous noirs, qui, au
bout de 10 100 années, libéreraient toute
l’énergie qu’ils renferment sous forme de
photons. Or, la notion d’espace-temps
perdrait toute pertinence dans un univers
dénué de particules massives. « Tout
se passerait comme si sa géométrie ne
se souvenait plus des distances comme
du temps qui s’écoule », constate Jean-
Pierre Luminet. Seule subsisterait sa
structure conforme, suscitant une sorte
d’écrasement et faisant correspondre la
fin au début.
Mais les spéculations du génial mathématicien
ne s’arrêtent pas là. Car selon
ses calculs, les derniers événements de
l’éon antérieur devraient laisser des
traces dans notre propre univers ! En
2010, avec le cosmologiste arménien
Vahe Gurzadyan, il prédit ainsi que le
fond diffus cosmologique, soit la première
lueur du cosmos émise 380 000 ans
après le Big Bang et qui baigne encore
GURZADYAN AND PENROSE
44 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909