20.10.2022 Views

Sciences et Avenir-L'avant Big-Bang

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

SANTÉ

Événement

BENJAMIN ROCHE

NANDA GONZAGUE / TRANSIT

DIRECTEUR DE RECHERCHE À L’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT (IRD) *

« Protéger la biodiversité,

c’est diminuer le risque

épidémique »

Est-ce un effet de loupe médiatique

ou les épidémies sont réellement de

plus en plus nombreuses ?

Oui, on en enregistre quatre fois plus

aujourd’hui que dans les années 1970.

Et parmi ces maladies émergentes, 75 %

sont des zoonoses, c’est-à-dire dues à un

agent pathogène — virus, bactérie, ou

parasite — qui se transmet de l’animal à

l’humain. Le principal facteur explicatif,

c’est l’impact des activités humaines sur la

nature. Quand un écosystème est diversifié

en matière d’espèces, il peut freiner le

développement d’une épidémie, puisque

toutes les espèces animales ne sont pas

capables de transmettre l’ensemble des

virus. En perdant de cette biodiversité,

les barrières tombent et les agents pathogènes

circulent beaucoup plus.

À quoi est due cette perte aujourd’hui ?

La cause principale est la déforestation.

En plus de la destruction d’espèces, la

diminution des surfaces de forêt renforce

la proximité de l’humain et des animaux

sauvages, ce qui favorise la propagation

des maladies. Celles-ci gagnent très rapidement

toutes les régions du monde car

la circulation internationale ne laisse plus

le temps de les contrôler. On l’a bien vu

avec l’épidémie de coronavirus : on est

passés d’une dizaine de cas de pneumonie

atypique en Chine en décembre 2019

à la quasi-totalité du monde en confinement,

trois mois plus tard.

Comment peut-on se protéger des

pandémies à venir ?

Il y a trois niveaux d’analyse. Quand le

virus est là, il faut avoir les outils : vaccins,

thérapies, etc. Mais à partir du

moment où il s’est propagé, on sait qu’il

y aura des dégâts sur les plans humain

et économique. C’est déjà trop tard. Ce

qui nous amène au second impératif :

se préparer. On sait que de nouvelles

pandémies arrivent. Il faut prévenir

l’évolution et la transmission en ayant

des plans d’actions quand une maladie

émerge. Le développement de nouveaux

vaccins en fait aussi partie.

Et puis, reste enfin la prévention. Puisque

les épidémies apparaissent parce que

l’on perd en biodiversité, il faut protéger

les écosystèmes. Mais tout en veillant

à ne pas oublier les populations

riveraines de la forêt, qui sont souvent

contraintes de l’exploiter pour survivre.

MARION PARENT/ DIVERGENCE

La déforestation permet aux agents pathogènes de circuler plus facilement.

Comment s’organise la recherche

autour de ces questions ?

Aujourd’hui, on estime qu’il existe

500 000 à 800 000 espèces de virus qui

peuvent toucher l’humain et qu’on ne

connaît pas. On ne peut donc pas faire

un plan de combat pour chaque virus.

L’objectif est d’agir sur les facteurs qui

favorisent l’émergence de ces virus. Il

faut orienter la recherche académique

vers des problèmes concrets, la protection

des forêts, pour produire des

connaissances scientifiques qui serviront

directement aux opérationnels de

terrain. J Propos recueillis par Marie Parra

* Il est aussi l’un des principaux architectes de l’initiative

Prezode (Preventing Zoonotic Diseases Emergence), qui

vise à prévenir les zoonoses à l’échelle internationale.

74 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!