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SANTÉ
Physiologie
Le bâillement,
mystérieux gardien
de la vigilance
Pourquoi bâille-t-on ? Certainement pas pour oxygéner
le cerveau ou réguler sa température, comme on l’a longtemps
cru. Selon les dernières études, ce comportement réflexe
agirait plutôt comme un stimulateur permettant
de se reconnecter à notre environnement.
Universel, reproductible et à ce jour
presque totalement incompris.
Voilà une description du bâillement
en 2022. Pourtant ce n’est pas
faute de l’étudier scientifiquement. La
question passionne nombre de chercheurs
qui s’interrogent toujours sur
la fonction de ce comportement stéréotypé
d’allure réflexe. Ce sont des
scientifiques néerlandais qui, en 1982,
ont établi qu’il apparaissait chez l’humain
dès la 12 e semaine de vie in utero,
PATHOLOGIE
Bâiller à s’en décrocher la mâchoire
le moment de l’existence où l’on bâille
le plus. Mais l’humain n’est pas le seul
concerné : cette action quotidienne et
universelle s’observe chez tous les vertébrés,
excepté chez la girafe.
La théorie la plus consensuelle aujourd’hui
dans la communauté des neuroscientifiques,
biologistes et éthologues
sur la fonction du bâillement est la stimulation
de la vigilance. Andrew Gallup,
biologiste de l’évolution de l’Institut polytechnique
de l’université de New York
Par ordre de fréquence décroissante, avant le rire et les vomissements,
le bâillement représente la principale cause de luxation de l’articulation
temporo-mandibulaire, l’une des plus sollicitées de l’organisme. On estime
que 5 % de la population éprouve des douleurs à l’ouverture de la bouche
et 3 % notamment en mâchant et en bâillant. Les causes sont souvent liées
à une hyperlaxité des ligaments ou des problèmes d’occlusion dentaire.
Heureusement, la manœuvre de Nélaton — une réduction de la luxation exercée
par le médecin — permet de remettre les structures osseuses en place.
(États-Unis), s’appuie sur d’autres données
issues de la recherche animale. Dans
un travail publié en juin dans la revue
Behavioural Brain Research, il défend
l’idée que chez les animaux évoluant
en groupe, le bâillement servirait à les
prévenir qu’un des leurs est fatigué et
qu’ils doivent donc redoubler de vigilance
pour se protéger des prédateurs.
Un signal d’alerte pour le moins efficace
dont la « contagion », ou plutôt la particularité
d’être facilement reproduit,
remonte aux observations du célèbre
neurologue Jean-Martin Charcot en
1889, popularisées depuis par l’adage
selon lequel « un bon bâilleur en fait
bâiller sept ».
Mais qu’est-ce que le bâillement d’un
point de vue physiologique ? Tout commence
par une inspiration lente, qui se
poursuit par un bref arrêt des flux d’air
et s’achève par une expiration passive
associée à un étirement de très nombreux
muscles du corps, plus d’une cin-
76 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909