You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
ACTUALITÉS
Prix Nobel 2022
PHYSIQUE
Alain Aspect
et la deuxième
révolution
quantique
Avec l’Américain John F. Clauser et l’Autrichien Anton Zeilinger,
le chercheur français s’est vu récompenser pour ses expériences avec des
photons intriqués. Rencontre avec un pionnier de la physique quantique.
La question revenait avec insistance
en France lors de la saison des
Nobel : le physicien Alain Aspect
allait-il enfin décrocher la plus haute
distinction scientifique ? Il faut dire
que ses expériences fondatrices, qui
ont ouvert la voie à ce que l’on appelle
la deuxième révolution quantique, ont
été réalisées il y plus de quarante ans,
entre 1980 et 1982, à l’Institut d’optique
d’Orsay — la première révolution ayant
établi, au début du XX e siècle, que tout
objet physique peut avoir les propriétés
d’une onde comme d’un corpuscule, et
par la suite a permis l’avènement des
transistors ou des lasers. Cette année
est la bonne : avec l’Américain John F.
Clauser et l’Autrichien Anton Zeilinger,
les trois hommes se sont vu décerner
le prix Nobel de physique pour leurs
« expériences avec des photons intriqués,
établissant la violation des inégalités
de Bell et ouvrant la voie à la science
de l’information quantique ». En clair,
les expériences successives des trois
physiciens ont permis de démontrer
que deux particules dites intriquées
conservent un lien, quelle que soit la
distance à laquelle elles ont été physiquement
séparées. Sciences et Avenir–La
Recherche a rencontré Alain
Aspect qui réagit à l’annonce de ce
prix et revient sur son parcours, qui
n’avait rien de quantique quand il a
commencé la physique.
Quelle a été votre première réaction
à l’annonce de votre prix ?
Je pense d’abord à tous ceux qui l’ont
rendu possible, à commencer par mon
professeur de physique au lycée d’Agen,
qui m’a donné le goût de cette discipline,
ainsi qu’aux nombreux enseignants
et collègues. Mais aussi en particulier
aux étudiants, car lorsqu’on enseigne,
on doit expliquer, et ainsi l’on comprend
mieux ce sur quoi on travaille.
Et je pense également à John Bell, qui
a écrit les inégalités qui ont permis de
trancher la controverse Einstein-Bohr [le
premier ne croyant pas qu’en présence
d’une paire de photons dits intriqués,
modifier l’état de l’un conduisait instantanément
à modifier l’état de l’autre].
Au début des années 1970, vous êtes
agrégé de physique et vous vous
apprêtez à vous lancer dans une thèse.
Que savez-vous alors de la physique
quantique ?
Pas grand-chose ! J’ai eu une formation
très classique à l’université d’Orsay
[aujourd’hui université Paris-Saclay] et
8 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909