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DOSSIER
Cosmologie
tout l’espace, garderait de telles cicatrices.
Elles résulteraient des ultimes
trous noirs de l’éon précédent, qui, après
s’être attirés et avoir fusionné, auraient
généré des trains d’ondes gravitationnelles.
Or, ces oscillations de la trame
de l’espace-temps auraient laissé une
empreinte dans le fond diffus cosmologique,
sous forme de petits excès d’énergie
dessinant des cercles concentriques.
Pour les deux chercheurs, les relevés
de l’observatoire de la Nasa WMAP
contiennent de telles structures. Tout
comme les mesures du télescope européen
Planck, plus précises, soutiennentils
en 2016. Mais leurs arguments ne
convainquent pas. Les spécialistes du
fond diffus cosmologique font en effet
remarquer que « dans des cartes aussi
complexes, on peut trouver tous les
motifs imaginables sans que cela signifie
quoi que ce soit, rappelle Jean-Pierre
Luminet. Une équipe canadienne s’est
même amusée à chercher des triangles
équilatéraux concentriques… et les a
trouvés. »
À la recherche de nouvelles
signatures
Nullement découragés, Roger Penrose et
ses collaborateurs ont cherché d’autres
signatures. Parmi elles, les rayonnements
émis lors de l’évaporation des
ultimes trous noirs de l’éon précédent.
Ils laisseraient, eux aussi, une trace dans
le fond diffus cosmologique, créant des
sortes de spots plus lumineux baptisés
« points de Hawking ». Là encore, les
relevés des satellites Planck et WMAP en
témoigneraient, annoncent les prosélytes.
D’abord en 2018, puis de manière
plus détaillée en 2020. « Nos conclusions
reposent sur les jeux de données totalement
différents de ces deux télescopes,
et pourtant elles coïncident », nous a
ainsi réaffirmé Vahe Gurzadyan. Pour
les cercles concentriques comme les
points de Hawking.
En juin, des physiciens américains dirigés
par Eve Bodnia de l’université de
Californie, à Santa Barbara, se sont penchés
sur ces nouveaux résultats. Et les
À quand remontent les réflexions
sur un possible univers qui aurait
précédé le nôtre ?
Les spéculations sur une phase de
l’Univers qui aurait précédé
la phase d’expansion actuelle sont
anciennes. Elles sont apparues
dès le début des années 1920,
quand les premiers modèles
d’un univers dynamique ont été
développés à partir de
la relativité générale d’Einstein.
Ces interrogations se sont taries
à partir des années 1960, lorsque
le modèle du Big Bang l’a emporté
sur les modèles concurrents — celui
de l’état stationnaire en particulier.
Avec ce modèle, selon lequel
l’Univers se serait développé
à partir d’une phase
extraordinairement dense et
chaude, les scientifiques décrivaient
en effet une histoire du cosmos,
comme si tout provenait ou
émergeait de ce « moment originel »
que l’on appelle justement le Big
Bang. Mais ils ont été confrontés à
THOMAS LEPELTIER
DOCTEUR EN ASTROPHYSIQUE, CHERCHEUR INDÉPENDANT EN HISTOIRE
ET PHILOSOPHIE DES SCIENCES
« L’Univers dans
son ensemble nous
échappera toujours »
ont dans un premier temps reproduits.
Mais les chercheurs ont également
découvert que les cartes du fond diffus
cosmologique comportaient des pixels
plus brillants que les autres : « Ce sont
des sortes d’anomalies qui pourraient
provenir d’amas d’étoiles ou encore de
problèmes de mesure », précise Eve Bodnia.
Or, sans ces artefacts, les cercles
une série de problèmes qui a
redonné de la vigueur aux
spéculations.
Quelles sont ces difficultés ?
L’existence, tout d’abord, d’une
singularité initiale — assimilée au
Big Bang lui-même — où les
équations de la relativité générale
divergent et cessent d’être
opérantes. Puis l’invention de
l’inflation primordiale, cette phase
de gonflement faramineux qui se
serait produite une fraction de
seconde après le Big Bang et
apparaît indispensable au modèle.
Elle résulterait d’un hypothétique
champ d’énergie appelé « inflaton ».
Or, les versions les plus courantes
de cette théorie, dénommées
« inflations éternelles », prédisent
que la dilatation hyper-rapide
s’interromprait dans certaines
régions de l’espace, ce qui donnerait
naissance à un univers, tout en se
poursuivant ailleurs, engendrant
ainsi une multitude d’univers. Les
concentriques n’apparaissent plus !
À l’aide d’un algorithme d’apprentissage
automatique et d’un supercalculateur,
l’équipe américaine a par ailleurs
analysé 50 millions de motifs dans les
cartes du satellite Planck. Résultat :
l’existence des points de Hawking ne
peut être statistiquement démontrée.
« Si nos travaux n’invalident pas la cos-
MARK CHILVERS/ PANOS /REA POUR SCIENCES & AVENIR-LA RECHERCHE
46 - Sciences et Avenir - La Recherche - Novembre 2022 - N° 909