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TRANSVERSALES
Chroniques
ÉTHIQUE PAR JEAN-GABRIEL GANASCIA
Des jetons non fongibles (NFT)…
à la fonte des glaciers
Professeur à
Sorbonne Université,
à Paris, chercheur en
intelligence artificielle
au LIP6 (Sorbonne
Université, CNRS),
ex-président du
comité d’éthique du
CNRS. Dernier
ouvrage publié :
Servitudes virtuelles,
Seuil, 2022.
BRUNO LÉVY
Le numérique réduit textes, images, vidéos,
sons, voire sensations kinesthésiques à des
séquences de « 0 » et de « 1 » que l’on reproduit
et transporte à loisir sur toute la planète à un
coût quasiment nul. Tout objet numérique se
duplique sans douleur ; il est « fongible », au
sens juridique du terme, en cela qu’il est
remplaçable par une réplique en tout point
équivalente. Dès lors, la notion d’exemplaire
séminal, à partir duquel les autres ont été
repris, se perd. Et le prix qu’on y attache aussi.
Pour restituer le propre d’un objet numérique,
ce qui fait sa singularité, deux artistes, Jennifer
et Kevin McCoy, et un entrepreneur, Anil Dash,
eurent en 2014 l’idée d’y adjoindre un jeton
cryptographique unique, enregistré dans un
registre public à l’aide d’une chaîne de blocs
(blockchain en anglais) pour en garantir
l’authenticité, l’intégrité et la propriété ; c’est ce
que l’on appelle un jeton non fongible, abrégé
en JNF, ou en NFT pour Non-Fungible Token en
anglais. Le propriétaire peut le vendre
contre des cryptomonnaies ; le JNF trace
ces transactions et mentionne l’identité du
nouveau possesseur. Sur le plan conceptuel,
l’idée séduit. Le marché des JNF s’est envolé en
2020, jusqu’à atteindre plus de 250 millions de
dollars, avant de connaître un net repli fin 2021.
Au-delà de leur caractère éminemment
spéculatif, et donc volatil, les JNF tout comme
les cryptomonnaies reposent sur les chaînes de
blocs. Plutôt que de faire appel à des tiers de
confiance, celles-ci recourent à des techniques
cryptographiques fondées sur la notion de
« preuve de travail » qui exige des calculs
informatiques vertigineux, aux effets délétères
pour le climat. Pour en donner une idée,
songeons que l’empreinte carbone laissée par
l’Ethereum, cryptomonnaie utilisée par les JNF,
est équivalente à celle de la Finlande ;
et celle du bitcoin à celle de la Grèce.
Bref, si les JNF établissent bien le propre des
objets numériques en en garantissant la
propriété, tant qu’elles recourent à la « preuve
de travail », l’énergie dépensée pour asseoir
cette garantie est bien sale !
L’ŒIL
DE LASCAR
Y aura-t-il du chauffage cet
hiver ? Grande est la crainte
d’une pénurie énergétique dans
les mois qui viennent. Il y a bien
sûr le contexte de la guerre en
Ukraine et la fin des livraisons de
gaz russe. Mais l’été caniculaire a
aussi asséché les réserves des
barrages hydroélectriques, dont
l’eau actionne les turbines des
centrales électriques. Ajoutez
à cela un parc nucléaire français
dont 30 réacteurs, sur 56, sont
à l’arrêt, et l’ensemble concourt
à un marché sous tension. D’où
l’appel à la sobriété énergétique
des patrons de Réseau de
transport d’électricité (RTE)
et GRT-Gaz. Seront-ils
entendus ? O. L.
N° 909 - Novembre 2022 - Sciences et Avenir - La Recherche - 103