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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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1625, règne un climat <strong>de</strong> franche misogynie 29 ». Certains auteurs, partisans <strong>de</strong>s femmes, leur<br />

reconnaissent <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> Renaissance un droit à l'instruction. Cependant, les écrits misogynes<br />

connaissent un essor prodigieux <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> <strong>fin</strong> <strong>du</strong> XVIe <strong>siècle</strong> 30 . L'on y dénigre le mariage,<br />

l'on puise dans un vieux fond gaulois les lieux communs attribués aux femmes: l'accent est<br />

mis sur les vices inhérents à leur sexe, sottise et méchanceté qui sont les conséquences <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

nature bestiale d'un être que l'on juge dépourvu <strong>de</strong> raison, donc inapte à l'apprentissage. La<br />

misogynie est un jeu <strong>littéraire</strong> dont les formes ont très tôt été fixées: le Moyen Âge, par<br />

exemple, voit fleurir, parallèlement à l'image <strong>féminin</strong>e <strong>de</strong> « <strong>la</strong> Belle» véhiculée par une<br />

certaine littérature courtoise, nombre <strong>de</strong> fabliaux misogynes où <strong>la</strong> femme, envisagée dans sa<br />

nature bestiale, n'est inventive qu'au profit <strong>du</strong> Ma1 31 •<br />

Cette représentation <strong>littéraire</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme, à <strong>la</strong> fois maléfique et stupi<strong>de</strong>, atteste<br />

d'une longue tradition qui s'appuie sur les propos théologiques et médicaux qui ont cours<br />

<strong>de</strong>puis l'Antiquité 32 En effet, le postu<strong>la</strong>t d'une nature <strong>féminin</strong>e défectueuse par essence<br />

prend ses racines dans <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong>s humeurs, attestée <strong>de</strong>puis l'Antiquité et qui prédomine<br />

dans l'analyse <strong>de</strong> l'équilibre <strong>du</strong> corps humain jusqu'à J'avènement <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

physiologique au XIX e <strong>siècle</strong>. Systématisée par le mé<strong>de</strong>cin C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Galien, cette théorie<br />

repose sur <strong>la</strong> dé<strong>fin</strong>ition <strong>de</strong> tempéraments humains en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédominance <strong>de</strong>s<br />

humeurs corporelles. De ce fait, le caractère froid et humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme serait cause <strong>de</strong> sa<br />

perfidie et <strong>de</strong> sa pusil<strong>la</strong>nimité et expliquerait sa déficience physiologique par rapport à<br />

l'homme, doté lui d'un caractère bilieux, c'est-à-dire chaud et sec. En 1586, Giambattista<br />

Del<strong>la</strong> Porta publie à Naples De humana physiognomonia 33 , ouvrage dans lequel il reprend à<br />

<strong>la</strong> fois <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong>s humeurs <strong>de</strong> Galien et <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> zoologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> physiognomonie<br />

29 Linda Timmermans, L'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong> culture, op. cil., p. 240.<br />

30 Nous pensons notamment à Boileau, Satires <strong>du</strong> sieur D***, Paris, Barbin, 1666-1668 ; ou à Ferville,<br />

La méchanceté <strong>de</strong>s femmes, Paris, Rocolet, 1618.<br />

31 Voir l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Théodore <strong>Le</strong>e Neff, La satire <strong>de</strong>sfemmes dans <strong>la</strong> poésie lyrique française <strong>du</strong> Moyen<br />

Âge [1900], Genève, S<strong>la</strong>tkine, 1974.<br />

32 Nous nous référons principalement ici aux travaux d'Évelyne Berriot-Salvadore, « <strong>Le</strong> discours <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine et <strong>de</strong> <strong>la</strong> science », in Histoire <strong>de</strong>s femmes en Occi<strong>de</strong>nt, vol. 3, Paris, Plon, 1991, p. 359-395 ;<br />

Un corps, un <strong>de</strong>stin. La femme dans <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance, op. cit. et <strong>Le</strong>s femmes dans <strong>la</strong><br />

sociétéfrançaise à <strong>la</strong> Renaissance, op. cit.<br />

33 Giambattista Del<strong>la</strong> Porta, « De humane physiognomonia », repro<strong>du</strong>ction en fac-similé <strong>de</strong> l'édition<br />

<strong>de</strong> 1586 publié à Sorrente par G. Cacchio, in <strong>Le</strong>s recueils d'emblèmes et les traités <strong>de</strong> physiognomonie<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Bibliothèque interuniversi<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> Lille, Paris, Lœuillet, 1990.<br />

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