04.06.2013 Views

Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

magiques et vitraux animés 245 et explorations <strong>de</strong> châteaux ensorcelés dans lesquels sont<br />

retenues prisonnières <strong>de</strong> belles dames. Ainsi Torticolis, découvrant un passage dans <strong>la</strong> tour où<br />

son père l'a fait enfermer:<br />

[... ] se trouve dans un vestibule tout <strong>de</strong> porphyre, orné <strong>de</strong> statues; il monte un <strong>la</strong>rge<br />

<strong>de</strong>gré d'agate [... ]; il entre dans un salon tout <strong>de</strong> <strong>la</strong>pis; et traversant <strong>de</strong>s<br />

appartements sans nombre, [... ] il arriva en<strong>fin</strong> dans une petite chambre dont tous les<br />

ornements étaient <strong>de</strong> turquoise, et il vit sur un lit <strong>de</strong> gaze bleue et or une dame qui<br />

semb<strong>la</strong>it dormir [... ]246.<br />

L'épiso<strong>de</strong> cité <strong>du</strong> « Rameau d'or» ne suit cependant pas le motif traditionnel <strong>de</strong> « <strong>la</strong> Belle<br />

endormie» cher à <strong>la</strong> littérature médiévale. Il n'apparait que <strong>de</strong> façon secondaire dans le récit:<br />

le prince réveille une fée endormie par un sortilège mais ne <strong>la</strong> conquiert pas. La fée,<br />

reconnaissante, lui viendra en ai<strong>de</strong> ultérieurement mais les <strong>de</strong>ux personnages ne forment en<br />

aucun cas le couple héroïque <strong>du</strong> récit. La matière médiévale fournit aux <strong>conte</strong>s une<br />

atmosphère plus qu'un sujet précis: elle n'est prétexte, pour les <strong>conte</strong>uses, qu'à diversifier le<br />

décor merveilleux <strong>de</strong> leurs récits.<br />

Si les éléments naturels et <strong>la</strong> littérature médiévale insufflent souvent le cadre<br />

merveilleux <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> <strong>fées</strong>, nous remarquons chez nos <strong>conte</strong>uses une prédilection<br />

marquée pour les décors inspirés <strong>de</strong> l'opéra 247 . Au milieu <strong>du</strong> XVII" <strong>siècle</strong>, Mazarin, premier<br />

ministre <strong>du</strong> roi, fait découvrir aux spectateurs français les metteurs en scène italiens lors<br />

d'une représentation d'Andromè<strong>de</strong> <strong>de</strong> Corneille, dont <strong>la</strong> scénographie est l'œuvre <strong>de</strong><br />

Giacomo Torelli. Surnommé « il gran<strong>de</strong> stregone» - « le grand sorcier» -, Torelli est<br />

l'inventeur <strong>de</strong>s « machines» théâtrales qui permettaient les évolutions aériennes sur scène et<br />

les changements à vue <strong>de</strong> décors 248 . Nous assistons, dans les <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> <strong>fées</strong> à une<br />

transposition <strong>de</strong> cet univers merveilleux dans lequel surprise et enchantement sont les maîtres<br />

mots. <strong>Le</strong>s opéras comprennent ainsi nombre <strong>de</strong> scènes dans lesquelles <strong>de</strong>s personnages<br />

surnaturels s'envolent sur <strong>de</strong>s chars ou autres machines vo<strong>la</strong>ntes. <strong>Le</strong> motif <strong>de</strong> j'envol est alors<br />

245 Torticolis découvre dans un château <strong>de</strong>s vitres peintes <strong>de</strong> personnages qui s'animent et un «vieux<br />

manuscrit» indéchiffrable <strong>de</strong> vélin aux enluminures bleues et or. Madame d'Aulnoy, « <strong>Le</strong> rameau<br />

d'or », Conles <strong>de</strong>s<strong>fées</strong>, op. Cil., p. 303-304.<br />

246 Ibid., p. 307.<br />

247 Sur les re<strong>la</strong>tions entre opéra et <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> <strong>fées</strong>, voir Nadine Jasmin, « <strong>Le</strong> théâtre <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s ». Ch. in<br />

Naissance <strong>du</strong> conIe <strong>féminin</strong>, op. Cil., p. 247-293 ; Aurélia Gail<strong>la</strong>rd, Fables, mylhes, <strong>conte</strong>s, op. Cil.,<br />

p. 281-291 et Raymon<strong>de</strong> Robert, <strong>Le</strong> conIe <strong>de</strong><strong>fées</strong> lilléraire, op. cil., p. 366-381.<br />

248 Sur le théâtre à machines et Giacomo Torelli, voir A<strong>la</strong>in Via<strong>la</strong>, <strong>Le</strong> lhéâlre en France, <strong>de</strong>s origines à<br />

nos jours, Paris, Presses universitaires <strong>de</strong> France, 1997, p. 160-161.<br />

49

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!