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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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De même, Ma<strong>de</strong>moiselle L'héritier, offrant son <strong>conte</strong> <strong>de</strong> « L'adroite princesse» à Madame<br />

<strong>de</strong> Murat, célèbre les qualités <strong>littéraire</strong>s <strong>de</strong> celle-ci en ces mots: « Vous faites les plus jolies<br />

nouvelles <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> en Vers; mais en Vers aussi doux que naturels 438 ». La « douceur »,<br />

tra<strong>du</strong>ction française <strong>de</strong> <strong>la</strong> suavitas <strong>la</strong>tine est dé<strong>fin</strong>ie par Marc Fumaroli comme « une alliance<br />

<strong>de</strong> délicatesse morale et <strong>de</strong> sé<strong>du</strong>ction esthétique m ». <strong>Le</strong>s rhétoriques <strong>du</strong> xvne <strong>siècle</strong> lui<br />

opposent <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> « force », à caractère plus viril, inséparable <strong>du</strong> style sublime encensé<br />

par les Anciens. La douceur, comme le style simple, sont les qualités d'une écriture <strong>féminin</strong>e<br />

qui forment une <strong>la</strong>ngue accessible aux non érudits et fon<strong>de</strong>nt l'idéal mondain d'une<br />

éloquence mo<strong>de</strong>rne, dé<strong>fin</strong>ie par Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier dans « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong><br />

l'éloquence ».<br />

Ce <strong>conte</strong> allégorique 440 constitue, pour Marc Fumaroli un manifeste <strong>littéraire</strong><br />

consacrant l'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong> dignité oratoire, et plus généralement à <strong>la</strong> littérature,<br />

domaines traditionnellement réservés aux doctes. La supériorité d'une littérature mondaine et<br />

<strong>féminin</strong>e sur <strong>la</strong> culture savante est revendiquée d'emblée dans le titre <strong>de</strong> cette « nouvelle»<br />

divertissante qui, non sans esprit, rapproche l' « éloquence 441 », concept d'une rhétorique<br />

savante et solennelle associé à <strong>la</strong> véhémence virile <strong>du</strong> style, <strong>de</strong>s « enchantements» qui,<br />

comme le remarque Marc Fumaroli,<br />

[... ] mê<strong>la</strong>nt parole et magie, éloignent le bien-dire <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique sco<strong>la</strong>ire et savante<br />

pour attribuer l'art <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire, instruire et émouvoir à un « don» mystérieux, privilège<br />

[... ] <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong> ceux qui les écoutent 442 .<br />

<strong>Le</strong> <strong>conte</strong>, rappelons-le, s'organise autour <strong>de</strong> dons qui récompensent B<strong>la</strong>nche, l'héroïne, <strong>de</strong> ses<br />

« manières honnêtes» et <strong>de</strong> sa « douceur» alors que sa <strong>de</strong>mi-sœur, Alix se voit punie <strong>de</strong> ses<br />

manières et <strong>de</strong> son <strong>la</strong>ngage grossiers. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>fées</strong> <strong>du</strong> récit, Dulcicu<strong>la</strong> et Eloquentia<br />

438 Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier, « L'adroite princesse », Contes, op. cit., p. 93.<br />

439 Marc Fumaroli, « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong> l'éloquence », <strong>la</strong>c. cil., p. 166.<br />

440 Marc Fumaroli rappelle que le recours à l'allégorie est « un moyen traditionnel employé par les<br />

poètes pour inscrire le programme esthétique <strong>de</strong> leur œuvre dans leur œuvre même» Ibid., p. 164. Sur<br />

<strong>la</strong> fonction rhétorique <strong>de</strong> l'allégorie, voir Marc Fumaroli, « Rhétorique, dramaturgie et critique<br />

<strong>littéraire</strong>: le recours à l'allégorie dans les querelles <strong>littéraire</strong>s <strong>du</strong> XVII" <strong>siècle</strong> », in Critique et création<br />

<strong>littéraire</strong>s en France au XVlf <strong>siècle</strong>, Paris, CNRS, 1977, p. 453-472.<br />

441 L' «éloquence », tra<strong>du</strong>ction française <strong>de</strong> l'eloquentia humaniste, allie <strong>la</strong> sagesse à <strong>de</strong>s qualités<br />

d'expression et <strong>de</strong> persuasion. La première partie <strong>du</strong> titre, « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong> l'éloquence »,<br />

parodie <strong>la</strong> tournure généralement adoptée pour les titres <strong>de</strong> traités <strong>de</strong> rhétorique: De l'éloquence<br />

française <strong>de</strong> Du Vair (1594) ou Pa<strong>la</strong>tium reginae eloquentiae <strong>du</strong> P. Pelletier, CI 641). Voir Marc<br />

Fumaroli, « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong> l'éloquence », <strong>la</strong>c. cit., p. 165.<br />

442 Ibid., p. 165-) 66.<br />

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