Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel
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à offenser, Vindicatiue, Cruelle en ses vengeances, Iniuste, Auare, Ingrate,<br />
Superstitieuse. Et parce qu'elle est humi<strong>de</strong> il faut aussi qu'elle soit Mobile, <strong>Le</strong>gere,<br />
Infi<strong>de</strong>lle, Impatiente, facile à persua<strong>de</strong>r, Pitoyable, Babil<strong>la</strong>r<strong>de</strong> 39 .<br />
Marin Cureau <strong>de</strong> La Chambre, comme ses prédécesseurs, met l'accent sur les défauts<br />
inhérents au sexe <strong>féminin</strong>: leur fourberie, leur malveil<strong>la</strong>nce, leur inhabilité à raisonner. De<br />
même, selon <strong>la</strong> tradition judéo-chrétienne qui impute les conséquences <strong>de</strong> <strong>la</strong> faute originelle<br />
au sexe <strong>féminin</strong>, les théologiens <strong>du</strong> Moyen Âge dé<strong>fin</strong>issent <strong>la</strong> femme comme un être<br />
principalement attaché aux p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong>s sens - sensualitas - contrairement au sexe mascu 1in<br />
qui, lui, serait dominé par l'intellect - ratio. Dépourvue <strong>de</strong> raison, <strong>la</strong> femme est alors associée<br />
à <strong>la</strong> stupidité, ce qui lui ôte tout espoir d'envisager une quelconque é<strong>du</strong>cation. Étant <strong>de</strong> plus,<br />
selon <strong>la</strong> Bible, conçue à partir <strong>du</strong> corps masculin, <strong>la</strong> femme est dé<strong>fin</strong>ie par les hommes<br />
d'Église, <strong>de</strong> science et <strong>de</strong> loi, comme intellectuellement et physiologiquement inférieure à<br />
l'homme, ce qui justifie sa soumission à celui-ci. La question d'une quelconque habileté<br />
intellectuelle qui pourrait être attribuée aux femmes apparaît alors souvent comme une<br />
préoccupation subordonnée à leur <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> vertu.<br />
C'est au XV" <strong>siècle</strong> que naît le débat sur l'instruction <strong>de</strong>s femmes avec l'apparition<br />
d'un nouveau genre <strong>littéraire</strong> « féministe », celui <strong>du</strong> discours sur <strong>la</strong> supériorité <strong>de</strong>s femmes 40<br />
codifié par Christine <strong>de</strong> Pizan dans son ouvrage La cité <strong>de</strong>s dames 41 , par Martin <strong>Le</strong> Franc<br />
dans <strong>Le</strong> champion <strong>de</strong>s dames 42 et par Henri Corneille Agrippa dans son Traité <strong>de</strong> l'excellence<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> femme 43 . Niant à <strong>la</strong> fois le préjugé d'une infériorité intellectuelle <strong>de</strong>s femmes qui les<br />
maintient dans l'ignorance et les arguments qui anticipent l'accès au pouvoir <strong>de</strong>s femmes<br />
instruites 44 , ces partisans <strong>de</strong>s femmes fon<strong>de</strong>nt leur argumentation sur l'égalité d'aptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
39 Id., p. 50. En italique dans le texte.<br />
40 Pour une étu<strong>de</strong> <strong>du</strong> discours sur <strong>la</strong> supériorité <strong>de</strong>s femmes, voir Marc Angenot, <strong>Le</strong>s champions <strong>de</strong>s<br />
femmes: examen <strong>du</strong> discours sur <strong>la</strong> supériorité <strong>de</strong>s femmes, 1400- 1800, Montréal, Presses <strong>de</strong><br />
l'Université <strong>du</strong> Québec, 1977.<br />
41 Christine <strong>de</strong> Pizan, La cité <strong>de</strong>s dames [1404-1405], trad. et introd. par Éric Hicks et Thérèse Moreau,<br />
Paris, Stock, 1986.<br />
42 Martin <strong>Le</strong> Franc, <strong>Le</strong> champion <strong>de</strong>s dames [écrit entre 1440 et 1442], Paris, H. Champion, 1999.<br />
43 Henri Corneille Agrippa. Traité <strong>de</strong> l'excellence <strong>de</strong> <strong>la</strong>femme [De nobilitate & praecellentiafoeminei<br />
sexus, 1529), trad. <strong>du</strong> <strong>la</strong>tin par Lays Vivant, Paris, J. Poupy, 1578.<br />
44 Un <strong>siècle</strong> auparavant, Boccace affirmait que <strong>la</strong> femme instruite « <strong>la</strong>iss[e] là quenouilles & fuseaux »,<br />
méprisant alors <strong>la</strong> sujétion à <strong>la</strong>quelle elle est tenue vis-à-vis <strong>de</strong> son époux. Voir Boccace, Des dames<br />
<strong>de</strong> renom, Lyon, G. Roville, 1551, p.279, cité par Linda Timmermans, L'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong><br />
culture, op. cit., p. 25.<br />
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