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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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Anne Defrance, « l'essence suprême <strong>du</strong> pouvoir <strong>féminin</strong> 415 ». La fée se dé<strong>fin</strong>it en effet par sa<br />

supériorité face aux autres magiciens <strong>de</strong> <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> sexe masculin. Ainsi, dans « L'oiseau<br />

bleu », l'enchanteur rival <strong>de</strong> <strong>la</strong> méchante fée Soussio, « n' [a] pas assez <strong>de</strong> pouvoir pour<br />

détruire ce qu' [elle] avait fait 416 ».<br />

Sur le p<strong>la</strong>n narratif, <strong>la</strong> fée se révèle essentielle à l'intrigue: elle favorise ou<br />

contrecarre son déroulement en influençant, par ses pouvoirs magiques, le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s<br />

personnages. Marc Fumaroli rappelle, dans son article « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong> l'éloquence »,<br />

que le terme « fée» dérive <strong>du</strong> <strong>la</strong>tin Fatum, le «<strong>de</strong>stin », qui repose, comme Fabu<strong>la</strong>, sur le<br />

verbe Fari signifiant « parler ». <strong>Le</strong>s <strong>fées</strong>, selon l'auteur, ont donc à <strong>la</strong> fois « rapport au <strong>de</strong>stin<br />

[et] à <strong>la</strong> parole, voire à l'oracle, qui est parole <strong>de</strong> <strong>de</strong>stin 417 ». Dans les récits <strong>de</strong> nos <strong>conte</strong>uses,<br />

tel « La Princesse Rosette» <strong>de</strong> Madame d'Aulnoy, c'est en effet leur compétence à prédire<br />

J'avenir qui permet aux <strong>fées</strong> d'exercer L1ne certaine ascendance sur les personnages humains:<br />

La reine n'avait jamais d'enfants qu'elle n'envoyât convier les <strong>fées</strong> à leur naissance;<br />

elle les priait toujours <strong>de</strong> lui dire ce qui leur <strong>de</strong>vait arriver 4l8 .<br />

Par conséquent, <strong>la</strong> toute-puissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée tient, comme le souligne Nadine Jasmin,<br />

« à <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion privilégiée qu'elle entretient avec <strong>la</strong> parole 419 » qui, dans les scènes canoniques<br />

<strong>de</strong> dons ou <strong>de</strong> métamorphoses, revêt souvent une valeur performative 420 en agissant<br />

simultanément sur les corps et les désignations 421 . Ainsi, dans « <strong>Le</strong> mouton» <strong>de</strong> Madame<br />

d'Aulnoy, <strong>la</strong> fée Ragotte annonce au roi qu'elle s'apprête à transformer: « Je veux te faire<br />

connaître ma puissance, tu es un lion à présent, tu vas <strong>de</strong>venir un mouton 422 ». <strong>Le</strong> symbolisme<br />

415 Anne Oefrance, <strong>Le</strong>s conles el les nouvelles <strong>de</strong> Mme d'Aulnoy, op. cil., p. 100. Sur <strong>la</strong> toute-puissance<br />

<strong>de</strong>s <strong>fées</strong> dans les <strong>conte</strong>s <strong>féminin</strong>s, voir Anne Oefrance, « La fée: un personnage hors <strong>du</strong> commun ».<br />

Ch. in Ibid., p. 100-115; Nadine Jasmin, « Une figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> toute-puissance: le personnage <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée ».<br />

Ch. in Naissance <strong>du</strong> conIe <strong>féminin</strong>, op. cil., p.379-389 et Évelyne Berriot-Salvadore, « Figures<br />

emblématiques <strong>du</strong> pouvoir <strong>féminin</strong> à travers les romans <strong>de</strong> Charlotte-Rose Caumont <strong>de</strong> La Force »,<br />

Tübingen, PFSCL, 1995, vol. 22, n° 43, p. 403-413.<br />

416 Madame d'Aulnoy, « L'oiseau bleu », Conles <strong>de</strong>s<strong>fées</strong>, op. ci!., p. 21t.<br />

417 Marc Fumaroli, « <strong>Le</strong>s enchantements <strong>de</strong> l'éloquence », <strong>la</strong>c. cil., p. 166.<br />

418 Madame d'Aulnoy, « La Princesse Rosette », Conles <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. Cil., p. 285.<br />

419 Nadine Jasmin, Naissance <strong>du</strong> conle<strong>féminin</strong>, op. cil., p. 383.<br />

420 Sur <strong>la</strong> parole performative <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, voir Anne Oefrance, <strong>Le</strong>s conles el les nouvelles <strong>de</strong> Mme<br />

d'Aulnoy, op. Cil., p. 111-115.<br />

421 Ainsi, <strong>la</strong> fée Bénigne rebaptise le Prince Torticolis après en avoir fait un homme « accompli» et<br />

« parfait» : « nonune-toi Sans Pair, tu porteras ce nom à juste prix ». Madame d'Aulnoy, « <strong>Le</strong> rameau<br />

d'or », Conles <strong>de</strong>s<strong>fées</strong>, op. cil., p. 309.<br />

422 Madame d'Aulnoy, « <strong>Le</strong> mouton », Conles <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cil., p. 418.<br />

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