Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel
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yeux 282 , alors qu'Anne Defrance évoque <strong>la</strong> métaphore <strong>de</strong> <strong>la</strong> virginité dans « L'oiseau bleu»<br />
<strong>de</strong> Madame d'Aulnoy: « elle peut rester vestale, sans que personne ne s'y oppose »,<br />
métaphore relevant <strong>de</strong> <strong>la</strong> pu<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> <strong>la</strong> délicatesse précieuse 283 .<br />
<strong>Le</strong> recours à l'allégorie, figure privilégiée <strong>du</strong> <strong>la</strong>ngage symbolique précieux 284 ,<br />
témoigne également d'un emprunt au genre romanesque. À l'instar <strong>du</strong> pays imaginaire <strong>de</strong><br />
Tendre, inspiré <strong>de</strong> <strong>la</strong> Clélie <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Scudéry285, le <strong>conte</strong> « <strong>Le</strong> Pays <strong>de</strong>s Délices»<br />
<strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> La Force invite à une représentation imagée <strong>de</strong>s différentes étapes <strong>de</strong><br />
J'amour selon les règles <strong>de</strong> <strong>la</strong> casuistique précieuse: le Pays <strong>de</strong>s Délices, régi par <strong>la</strong><br />
souveraine Faveur dont les appartements sont gardés par <strong>de</strong>s Caresses, « n'est séparé <strong>de</strong> celui<br />
<strong>de</strong>s Avances que par une muraille <strong>de</strong> <strong>la</strong>it qui atteint jusqu'aux cieux ». Même procédé<br />
allégorique dans « Ricdin-Ricdon» <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier, <strong>la</strong> plus précieuse <strong>de</strong>s<br />
<strong>conte</strong>uses selon Raymon<strong>de</strong> Robert 286 , où <strong>la</strong> Princesse Rosan ie est retenue prisonnière <strong>du</strong><br />
barbare Songecreux qui gouverne le Royaume <strong>de</strong> Fiction. L'écriture féerique précieuse<br />
témoigne également d'un goüt épigraphique prononcé 287 • Madame <strong>de</strong> Murat, dans son <strong>conte</strong><br />
« Anguillette» multiplie ainsi les signes allégoriques. Trois <strong>de</strong>vises, symboles <strong>de</strong> puissance,<br />
<strong>de</strong> courage et <strong>de</strong> gloire sont successivement données à lire sur les armes <strong>du</strong> Prince <strong>de</strong> l'Ile<br />
Paisible: « Il en est d'invincibles» sur <strong>de</strong>s flèches lumineuses, « Je n'en crains point<br />
d'autres» sur un cœur percé <strong>de</strong> flèches, emblème <strong>de</strong> l'écu <strong>du</strong> prince et « Seules dignes <strong>de</strong><br />
moi» sur ses armures 288 . Même valorisation d'un personnage par un signe allégorique dans le<br />
<strong>conte</strong> « <strong>Le</strong> parfait amour» où une sentence à l'éloge <strong>du</strong> prince qui a visité l'empire souterrain<br />
<strong>de</strong>s Gnomes est inscrite au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> <strong>la</strong> statue le représentant:<br />
282 Mary Elisabeth Storer, Un épiso<strong>de</strong> <strong>littéraire</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fin</strong> <strong>du</strong> XVI! <strong>siècle</strong>, op. cit., p. 117. L'expression<br />
est tirée <strong>du</strong> <strong>conte</strong> <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> La Force, « La puissance d'amour », Contes, op. cit., p. 399.<br />
283 Anne Defrance, <strong>Le</strong>s <strong>conte</strong>s et les nouvelles <strong>de</strong> Mme d'Aulnoy, op. cit., p. 221.<br />
284 Sur <strong>la</strong> figure <strong>de</strong> l'allégorie au xvII" <strong>siècle</strong>, voir Bernard Beugnot, « Pour une poétique <strong>de</strong><br />
l'allégorie c<strong>la</strong>ssique », in Critique et création <strong>littéraire</strong>s en France au XVlf <strong>siècle</strong>, Paris, C.N.R.S.,<br />
1977, p. 409-432.<br />
285 Rappelons que le Pays <strong>de</strong> Tendre se compose <strong>du</strong> fleuve Inclination, <strong>de</strong> ses affluents Estime et<br />
Reconnaissance et <strong>de</strong>s trois villes qui les bor<strong>de</strong>nt: Tendre-sur-Inclination, Tendre-sur-Estime et<br />
Tendre-sur-Reconnaissance. C'est ainsi que par exemple, pour aller <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Nouvelle-Amitié à<br />
Tendre-sur-Estime, il faut traverser les vil<strong>la</strong>ges De Jolis-vers, Billet-ga<strong>la</strong>nt et Billet-doux. Voir<br />
Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Scudéry, Clélie, histoire romaine, op. cit., t. 1, p. 391.<br />
286 Raymon<strong>de</strong> Robert, <strong>Le</strong> <strong>conte</strong> <strong>de</strong><strong>fées</strong> <strong>littéraire</strong>, op. cit., p. 338.<br />
287 Sur les b<strong>la</strong>sons, sentences et autres signes allégoriques, voir Aurélia Gail<strong>la</strong>rd, Fables, mythes,<br />
<strong>conte</strong>s, op. ci!., p. 209-213.<br />
288 Madame <strong>de</strong> Murat, « Anguillette », Contes, op. cit., p. 94 et p. 112.<br />
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