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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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<strong>de</strong> <strong>la</strong> métamorphose est ici évi<strong>de</strong>nt: le roi, dont l'orgueil s'apparente à celui d'un lion, repousse<br />

les avances <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée; il est donc changé en mouton, animal dont l'indolence et <strong>la</strong> servilité le<br />

condamnent à mourir <strong>de</strong> tristesse, désœuvré après <strong>la</strong> trahison d'une maîtresse infidèle. <strong>Le</strong> <strong>conte</strong><br />

<strong>de</strong> Madame d'Aulnoy s'organise alors, sur le p<strong>la</strong>n narratif, autour d'une métamorphose, et sur<br />

le p<strong>la</strong>n <strong>littéraire</strong>, autour d'une métaphore physique 423 , le roi <strong>de</strong>venant littéralement « le<br />

mouton» <strong>de</strong> <strong>la</strong> Princesse Merveilleuse. Ainsi, et comme le constate Anne Defrance, « <strong>la</strong><br />

métamorphose est à <strong>la</strong> fée ce qu'est <strong>la</strong> métaphore à l'écrivain 424 ».<br />

Madame <strong>de</strong> Murat, en dédiant son recueil d'Histoires sublimes et allégoriques aux<br />

<strong>conte</strong>uses, <strong>de</strong>s « <strong>fées</strong> mo<strong>de</strong>rnes 425 », incite elle-même à une analogie entre <strong>fées</strong> et auteures <strong>de</strong><br />

<strong>conte</strong>s <strong>de</strong> <strong>fées</strong>, thèse fortifiée par le fait que toutes <strong>de</strong>ux sont à <strong>la</strong> fois maîtresses d'un discours<br />

et d'un <strong>la</strong>ngage symbolique. Cependant, le pouvoir <strong>de</strong>s <strong>fées</strong> se trouve maintes fois dépassé par<br />

le <strong>de</strong>stin 426 , force supérieure indépendante <strong>de</strong> toute tradition mythologique, qui représenterait,<br />

pour Nadine Jasmin, <strong>la</strong> toute-puissance d'une narratrice 427 . Ainsi, <strong>la</strong> fée Bénigne <strong>du</strong> <strong>conte</strong> « <strong>Le</strong><br />

rameau d'or », déc<strong>la</strong>re ne pouvoir dévoiler son <strong>de</strong>stin au Prince Sans Pair, sous peine d'offenser<br />

« le génie supérieur qui [le] gui<strong>de</strong> 428 ». La narratrice se p<strong>la</strong>ce dès lors comme <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />

ordonnatrice <strong>du</strong> <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s personnages à <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> fée se trouve à son tour assujettie 429 .<br />

3.3.2 Apologie <strong>de</strong> l'écriture <strong>féminin</strong>e<br />

Si le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> <strong>fées</strong> permet à <strong>la</strong> femme-auteure d'affirmer sa toute-puissance sur un<br />

p<strong>la</strong>n narratif, il sert également à démontrer <strong>de</strong>s talents d'écriture qui seraient le résultat <strong>de</strong><br />

dispositions naturelles, l'instruction <strong>de</strong>s Collèges étant, rappelons-le, un iquement réservée<br />

423 Sur <strong>la</strong> métaphore « physique », voir Pierre Fontanier, <strong>Le</strong>s figures <strong>du</strong> discours, Paris, F<strong>la</strong>mmarion,<br />

1977, p. 103.<br />

424 Anne Oefrance, <strong>Le</strong>s <strong>conte</strong>s et les nouvelles <strong>de</strong> Mme d'Aulnoy, op. cit., p. 110.<br />

425 Madame <strong>de</strong> Murat, Contes, op. cit., p. 199.<br />

426 La fée Fanfreluche déplore: « <strong>Le</strong> <strong>de</strong>stin est plus puissant que moi», alors que, pour <strong>la</strong> fée<br />

Souveraine, le <strong>de</strong>stin « prononce quelquefois <strong>de</strong>s arrêts d'un ton si absolu qu'il est impossible <strong>de</strong> s'y<br />

soustraire ». Madame d'Aulnoy, « Babiole» et « <strong>Le</strong> pigeon et <strong>la</strong> colombe », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cil.,<br />

p. 507 et p. 850.<br />

427 Voir Nadine Jasmin, Naissance <strong>du</strong> <strong>conte</strong><strong>féminin</strong>, op. ci!., p. 387-388.<br />

428 Madame d'Aulnoy, « <strong>Le</strong> rameau d'or », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cit., p. 310.<br />

429 Madame d'Auneuil, avec <strong>la</strong> parution en 1703 <strong>de</strong> La tyrannie <strong>de</strong>s <strong>fées</strong> détruite, <strong>fin</strong>ira <strong>de</strong> revendiquer<br />

<strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> l'écrivain et <strong>de</strong>s personnages <strong>féminin</strong>s.<br />

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