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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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Ce type d'éloge, encouragé par Colbert dans les domaines <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s lettres,<br />

s'accompagne cependant souvent d'une critique allusive au pouvoir roya1 387 . Nombre <strong>de</strong><br />

monarques <strong>de</strong> <strong>conte</strong>s font preuve <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus perverse cruauté: dans « Ricdin-Ricdon » <strong>de</strong><br />

Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier, le barbare Songecreux s'empare <strong>du</strong> Royaume <strong>de</strong> Fiction après en<br />

avoir tué le roi, retient prisonnière <strong>la</strong> reine et fait mourir l'enfant dont elle accouche. De<br />

même le roi <strong>du</strong> Pays <strong>de</strong>s Larmes, dans « La bonne petite souris» <strong>de</strong> Madame d'Aulnoy, qui:<br />

[... ] pendait lui-même les criminels [et] se réjouissait à leur faire <strong>du</strong> mal; quand une<br />

bonne maman aimait bien sa petite fille ou son petit garçon, il l'envoyait quérir, et<br />

<strong>de</strong>vant elle il lui rompait les bras, ou lui tordait le cou [... ]388.<br />

Madame d'Aulnoy met également l'accent sur l'incompétence <strong>de</strong>s figures royales: dans<br />

« Finette Cendron », un roi et une reine qui ont « mal fait leurs affaires» sont chassés <strong>de</strong> leur<br />

royaume; <strong>de</strong>venu pauvre, le monarque, ne sait comment subvenir à ses besoins, n'ayant<br />

jamais exercé « que le métier <strong>de</strong> roi qui est fort doux '89 ». Cruels et incompétents, prenant<br />

quelquefois l'apparence d'un ogre qui figure leur tyrannie, les rois ne conservent que <strong>la</strong> vanité<br />

liée à leur rang:<br />

C'est <strong>la</strong> coutume en Ogrichonnie, que tous les soirs l'ogre, J'ogresse et les ogrichons<br />

mettent sur leur tête une belle couronne d'or, avec <strong>la</strong>quelle ils dorment; voilà leur<br />

seule magnificence [... ]390.<br />

3.2.3 La <strong>conte</strong>station d'une littérature <strong>de</strong> tradition masculine<br />

Dénoncée à un échelon familial et politique, l'hégémonie masculine est également<br />

<strong>conte</strong>stée dans le doma ine 1ittéraire où les <strong>conte</strong>uses se rail ient dès le début <strong>de</strong> <strong>la</strong> Querelle au<br />

parti <strong>de</strong>s Mo<strong>de</strong>rnes qui favorise, contrairement aux Anciens, une culture mondaine et<br />

<strong>féminin</strong>e. Au sein <strong>de</strong> leurs récits, nos <strong>conte</strong>uses signalent leur prise <strong>de</strong> position à <strong>de</strong>ux<br />

nIveaux: elles procè<strong>de</strong>nt d'une part à <strong>la</strong> <strong>conte</strong>station <strong>de</strong>s Anciens, parti <strong>de</strong> tradition<br />

masculine qui conçoit <strong>la</strong> création <strong>littéraire</strong> comme une imitation <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> l'Antiquité, et<br />

387 Sur <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> monarchie absolue dans les <strong>conte</strong>s <strong>féminin</strong>s <strong>du</strong> <strong>XVIIe</strong> <strong>siècle</strong>, voir Anne<br />

Defrance, « La politique <strong>du</strong> <strong>conte</strong> aux xvW et XVIIIe <strong>siècle</strong>s », in Féerie, 2006, nO 3, p. 13-41.<br />

388 Madame d'Aulnoy, « La bonne petite souris », Contes <strong>de</strong>s[ées, op. cit., p.365.<br />

389 Madame d'Aulnoy, « Finette Cendron », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. ci!., p. 439.<br />

390 Madame d'Aulnoy, « L'oranger et l'abei Ile », Contes <strong>de</strong>s/ées, op. cil., p. 347.<br />

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