Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel
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<strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième moitié <strong>du</strong> <strong>siècle</strong> voit l'apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme-auteure, notamment avec <strong>la</strong> mo<strong>de</strong><br />
<strong>du</strong> portrait mondain 149 <strong>la</strong>ncée vers 1656 par Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Montpensier. Ainsi, à <strong>la</strong> <strong>fin</strong> <strong>du</strong><br />
XVW <strong>siècle</strong>, les femmes peuvent vivre <strong>de</strong> <strong>la</strong> publication <strong>de</strong> leurs ouvrages qui n'est alors<br />
plus stigmatisée l5o . Comme le note Linda Timmermans:<br />
L'anonymat que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s femmes auteurs continuent à observer est <strong>de</strong>venu <strong>de</strong><br />
pure forme. <strong>Le</strong>s lecteurs informés savaient que « <strong>la</strong> comtesse 0*** » désignait Mme<br />
d'Aulnoy, et « <strong>la</strong> comtesse <strong>de</strong> M***», Mme <strong>de</strong> Murat. Mlle Lhéritier signe ses<br />
ouvrages d'initiales transparentes: « Ma<strong>de</strong>moiselle L'H***151 ».<br />
Cependant, même si <strong>la</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme-auteure entre dans les mœurs, l'on se targue<br />
toujours dans les salons et les cercles mondains d'un certain amateurisme: a<strong>fin</strong> d'éviter tout<br />
amalgame avec les écrivains professionnels <strong>de</strong> condition moindre qui vivent <strong>de</strong> leurs<br />
publications, l'écriture, en milieu aristocratique, doit être revendiquée comme pur<br />
divertissement. Ainsi Madame <strong>de</strong> Murat, dans son journal adressé à sa cousine, note que<br />
Madame d'Aulnoy écrivait: « par fantaisie, au milieu et au bruit <strong>de</strong> mille gens qui venaient<br />
chez elle et elle ne donnait d'application à ses ouvrages qu'autant que ce<strong>la</strong> <strong>la</strong> divertissait l52 ».<br />
<strong>Le</strong> divertissement justifie l'écriture que l'on ne prétend souvent <strong>de</strong>stinée qu'à un cadre privé:<br />
Madame <strong>de</strong> Lambert, dont les œuvres furent publiées contre sa volonté, écrit dans une<br />
correspondance: « [... ] je n'ai jamais voulu d'autres spectateurs qu'un très-petit nombre<br />
d'amis estimables: nous autres femmes, nous ne sommes faites que pour être ignorées '53 ».<br />
Historiquement nouveaux puisque liés à un univers salonnier, les <strong>conte</strong>s sont<br />
majoritairement écrits par <strong>de</strong>s femmes '54 : détachés <strong>de</strong>s modèles antiques, leur écriture ne<br />
requiert ni <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique c<strong>la</strong>ssique ni <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues anciennes<br />
dont l'enseignement était généralement, nous l'avons vu, refusé aux femmes. Comme le<br />
149 Sur <strong>la</strong> mo<strong>de</strong> <strong>du</strong> portrait <strong>littéraire</strong> mondain et son implication dans l'apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme-auteure<br />
au xvII' <strong>siècle</strong>, voir Jacqueline P<strong>la</strong>ntié, La mo<strong>de</strong> <strong>du</strong> portrait <strong>littéraire</strong> en France, 1641-1681, Paris, H.<br />
Champion, 1994.<br />
150 Nous pensons notamment à Catherine Bernard ou à Madame <strong>de</strong> Villedieu.<br />
151 Linda Timmermans, L'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong> culture, op. cit., p. 223.<br />
152 Madame <strong>de</strong> Murat, citée par Jacques Barchilon dans l'intro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong>s Contes <strong>de</strong> Madame<br />
d'Aulnoy, Paris, Société <strong>de</strong>s textes français mo<strong>de</strong>rnes, 1997.<br />
153 Madame <strong>de</strong> Lambert, citée par Linda Timmermans, L'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong> culture, op. cit.,<br />
p. 223, note 359.<br />
154 Ce sont également les dames <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour privée <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine d'Espagne qui, dans Inès <strong>de</strong> Cordoue <strong>de</strong><br />
Catherine Bernard, inventent <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s et en établissent les règles. Catherine Bernard, Inès <strong>de</strong><br />
Cordoue: nouvelle espagnole, Genève, S<strong>la</strong>tkine, 1979, p. 7.<br />
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