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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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prennent souvent les traits <strong>de</strong> personnages surnaturels empruntés aux récits antiques ou<br />

folkloriques, telle <strong>la</strong> Duchesse Grognon <strong>de</strong> « Gracieuse et Percinet» qui s'apparente à <strong>la</strong> fois<br />

aux figures <strong>de</strong> l'ogre et <strong>du</strong> cyclope m :<br />

[... ] elle avait le visage épouvantablement gros, et couvert <strong>de</strong> boutons; <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux yeux<br />

qu'elle avait eus autrefois, il ne lui en restait qu'un chassieux; sa bouche était si<br />

gran<strong>de</strong>, qu'on eût dit qu'elle vou<strong>la</strong>it manger tout le mon<strong>de</strong> [...]. Elle était bossue<br />

<strong>de</strong>vant et <strong>de</strong>rrière, et boiteuse <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés 235 .<br />

Parmi les différentes créatures merveilleuses possibles 236 , les <strong>conte</strong>s foisonnent également <strong>de</strong><br />

personnages issus <strong>de</strong> métamorphoses: le Prince Rosier <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle Bernard est à <strong>la</strong> fois<br />

humain et végétal, <strong>la</strong> fée <strong>du</strong> <strong>conte</strong> « Plus Belle que Fée» <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> La Force est<br />

transformée en biche aux pieds d'argent et les protagonistes <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s « L'oiseau bleu »,<br />

« Serpentin Vert» ou « <strong>Le</strong> pigeon et <strong>la</strong> colombe» <strong>de</strong> Madame d'Aulnoy sont mi-humains<br />

mi-animaux. Suppléant aux monstres plus traditionnels, les métamorphosés enrichissent une<br />

collection déjà riche <strong>de</strong> personnages surnaturels.<br />

En effet, <strong>la</strong> gageure <strong>de</strong>s auteures <strong>de</strong> <strong>conte</strong>s se situe dans le renouvellement <strong>de</strong><br />

l'imaginaire qui alimente le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong>s lecteurs, mais est sans cesse compromis par <strong>la</strong><br />

monotonie d'un schéma narratif répétitif qui caractérise le genre 237 . <strong>Le</strong>s <strong>conte</strong>uses misent<br />

alors sur <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> nouveauté dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s décors féeriques qui accompagnent<br />

le déroulement <strong>de</strong>s récits, décors dont elles empruntent les modèles à <strong>la</strong> nature, au<br />

merveilleux médiéval et à l'opéra. C'est ainsi que les éléments naturels s'inscrivent dans<br />

l'univers merveilleux <strong>du</strong> <strong>conte</strong> « L'heureuse peine» <strong>de</strong> Madame <strong>de</strong> Murat. L'accès au<br />

château <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée Lumineuse se fait par une rivière qui tourne neuf fois autour <strong>de</strong> celui-ci,<br />

donnant lieu au passage <strong>de</strong> neuf ponts composés <strong>de</strong> fleurs chaque fois différentes: le premier<br />

pont est constitué <strong>de</strong> pavots b<strong>la</strong>ncs « que le pouvoir <strong>de</strong> Lumineuse avait ren<strong>du</strong> aussi sûr et<br />

234 Ces monstres, principalement issus d'une tradition popu<strong>la</strong>ire, rappellent ceux présentés, au XVIe<br />

<strong>siècle</strong>, par le mé<strong>de</strong>cin Ambroise Paré dans ses bestiaires fabuleux. Voir Ambroise Paré, Des monstres<br />

et prodiges; précédé <strong>de</strong> Des animaux et <strong>de</strong> l'excellence <strong>de</strong> l'homme; et suivi par le Discours <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

licorne, Paris, L' cei 1d'or, 2003.<br />

235 Madame d'Aulnoy, « Gracieuse et Percinet », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cit., p. 151-152.<br />

236 <strong>Le</strong> personnage <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée sera étudié <strong>de</strong> manière plus détaillée dans notre troisième chapitre.<br />

237 Rappelons ici que V<strong>la</strong>dimir Propp a dé<strong>fin</strong>i le schéma canonique <strong>du</strong> <strong>conte</strong> par un enchaînement <strong>de</strong><br />

fonctions qui mettent en exergue <strong>la</strong> rigueur <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure imposée par l'écriture féerique. Voir <strong>la</strong><br />

section que Michèle Simonsen consacre à <strong>la</strong> structure <strong>du</strong> <strong>conte</strong> dans l'entrée « Conte» <strong>du</strong> Dictionnaire<br />

<strong>de</strong>s littératures <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue française, loc. cit.<br />

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