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Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel

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humour, comme puérile et fantasmatique par Madame d'Aulnoy puisque: «comme<br />

[Grognon] n'avait point <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts on ne <strong>la</strong> craignait pas 318 ».<br />

Si Madame d'Aulnoy fait grand usage <strong>du</strong> merveilleux dans ses <strong>conte</strong>s, Jacques<br />

Barchilon, dans son ouvrage <strong>Le</strong> <strong>conte</strong> merveilleux <strong>de</strong> 1690 à 1790, remarque qu'elle pratique<br />

couramment une « remise en question ironique <strong>du</strong> surnaturel 319 », comme dans ce passage <strong>de</strong><br />

« La grenou iIle bienfaisante» où elle s'amuse vo lontiers <strong>de</strong> ses inventions mervei lieuses:<br />

« Il était fort extraordinaire <strong>de</strong> voir un cheval à trois têtes, à douze pieds, qui jetait feux et<br />

f<strong>la</strong>mmes [... ]320 ». C'est avec une même distance amusée que Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier,<br />

présentant dans <strong>la</strong> « <strong>Le</strong>ttre à Madame D. G*** » son <strong>conte</strong> « L'adroite princesse» qu'elle<br />

situe au temps reculé <strong>de</strong>s Croisa<strong>de</strong>s, convient <strong>de</strong> l'irréalité <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>:<br />

[... ] il n'est pas étonnant d'entendre parler <strong>de</strong> <strong>fées</strong> dans l'onzième <strong>siècle</strong>, puisqu'il y<br />

a encore aujourd'hui <strong>de</strong>s gens assez peu sensés pour croire à ces sortes <strong>de</strong> visions 321 .<br />

<strong>Le</strong> peu <strong>de</strong> foi que Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier accor<strong>de</strong> à l'existence <strong>de</strong>s <strong>fées</strong> se manifeste<br />

irrévocablement dans le <strong>conte</strong> «La robe <strong>de</strong> sincérité» qui, exempt <strong>de</strong> toute féerie, ne met<br />

plus en scène que <strong>de</strong>s personnages qui y croient: le magicien Misandre, cherchant à se<br />

venger <strong>du</strong> très naïf roi <strong>de</strong> Crète, lu i fa it croire aux pouvoirs d'une robe mervei lieuse. En effet,<br />

bien que le personnage <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée donne son nom au genre et serve fréquemment d'auxiliaire<br />

magique au héros dans l'accomplissement <strong>de</strong> sa quête ou <strong>la</strong> réparation d'un méfait, il n'est<br />

pas rare que les <strong>conte</strong>uses l'écartent <strong>de</strong> leurs récits 322 . Ainsi Madame <strong>de</strong> Murat p<strong>la</strong>ce son<br />

<strong>conte</strong>« Anguillette» au-<strong>de</strong>ssus <strong>du</strong> merveilleux et présente « <strong>Le</strong> père et ses quatre fils », récit<br />

également dépourvu <strong>de</strong> féerie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon suivante:<br />

Il n'y a point <strong>de</strong> ce merveilleux qu'on voit dans tous les autres <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> cette<br />

espèce; [... ] j'ai voulu en retrancher les Fées, pour voir si je pourrais rendre mes<br />

amants heureux, sans le secours <strong>de</strong> ces bonnes dames [...] 373<br />

- .<br />

318 Madame d'Aulnoy, « Gracieuse et Percinet », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cit., p. 152.<br />

319 Jacques Barchilon, <strong>Le</strong> <strong>conte</strong> merveilleux, op. ci!., p. 50-51.<br />

320 Madame d'Aulnoy, « La grenouille bienfaisante », Contes <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>, op. cil., p. 684.<br />

321 Ma<strong>de</strong>moiselle Lhéritier, « <strong>Le</strong>ttre à Mme D. G*** », Contes, op. cit., p. 39.<br />

322 Dans « La Belle aux cheveux d'or» <strong>de</strong> Madame d'Aulnoy, par exemple, <strong>la</strong> fée est remp<strong>la</strong>cée par<br />

<strong>de</strong>s animaux doués <strong>de</strong> parole - une carpe, un corbeau et un hibou - qui servent d'auxiliaires magiques<br />

au héro. Voir à ce sujet, Anne Defrance, « <strong>Le</strong> statut <strong>littéraire</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée ». Ch. in <strong>Le</strong>s <strong>conte</strong>s et les<br />

nouvel/es <strong>de</strong> Mme d'Aulnoy, op. cit., p. 95-100.<br />

323 Madame <strong>de</strong> Murat, « <strong>Le</strong> père et ses quatre fils », Contes, op. cil., p. 367.<br />

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