Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel
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accor<strong>de</strong> à <strong>la</strong> littérature. Son Heptaméron 49 , qui s'inspire <strong>du</strong> Décaméron 50 <strong>de</strong> Boccace écrit au<br />
XIVe <strong>siècle</strong>, rassemble, autour d'histoires-cadres, soixante-douze nouvelles ayant pour thème<br />
principal l'amour, et s'inscrit dans le goût <strong>du</strong> XVIe <strong>siècle</strong> pour les récits courts.<br />
Si Louise Labé déc<strong>la</strong>re que le savoir doit servir à l'affirmation <strong>de</strong> soi et que les<br />
femmes-écrivains <strong>de</strong> son temps ne doivent plus « dédaigner <strong>la</strong> gloire 51 », ces auteures se<br />
conforment néanmoins à l'image <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme mo<strong>de</strong>ste, silencieuse et pudique imposée par<br />
les humanistes. Car, comme le remarque Évelyne Berriot-Salvadore : « l'écriture <strong>féminin</strong>e est<br />
une transgression <strong>du</strong> rôle « naturel» qui n'est pas <strong>de</strong> se dire mais <strong>de</strong> se taire, qui n'est pas <strong>de</strong><br />
se montrer mais <strong>de</strong> se cacher. <strong>Le</strong>s auteurs doivent donc mettre en avant les signes dénotant<br />
cette indispensable mo<strong>de</strong>stie 52 ». C'est ainsi qu'au XVIe <strong>siècle</strong>, <strong>la</strong> publication <strong>féminin</strong>e est<br />
travestie avec l'emploi <strong>de</strong> pseudonymes ou cachée par le biais <strong>de</strong> l'anonymat, procédés<br />
éd itoriaux qu i subsistent majoritairement tout au long <strong>de</strong> l'Ancien régime 5 ). Alors qu'à <strong>la</strong> <strong>fin</strong><br />
<strong>du</strong> <strong>XVIIe</strong> <strong>siècle</strong> Madame d'Aulnoy fait volontiers connaître <strong>la</strong> « paternité» <strong>de</strong> ses œuvres 54 ,<br />
ses recueils <strong>de</strong> <strong>conte</strong>s ne sont assortis que <strong>de</strong> <strong>la</strong> mention « Par Madame D... ». Si, comme<br />
nous le verrons, le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> <strong>fées</strong> a contribué à l'accroissement d'une certaine autonomie<br />
<strong>littéraire</strong> <strong>féminin</strong>e, il n'en a cependant pas achevé <strong>la</strong> conquête, les <strong>conte</strong>uses <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>fin</strong> <strong>du</strong><br />
xvne <strong>siècle</strong> se soumettant encore à l'usage <strong>de</strong> l'anonymat, même si celui-ci n'est plus,<br />
comme le remarque Nadine Jasmin, que <strong>de</strong> pure convention 55 .<br />
L'avènement <strong>du</strong> règne d'Henri IV et <strong>de</strong>s guerres <strong>de</strong> religions transforment, on le sait,<br />
les mœurs aristocratiques et l'érudition humaniste qui caractérisait les préoccupations<br />
<strong>féminin</strong>es <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour au temps <strong>de</strong>s Valois. La Maréchale <strong>de</strong> Retz et Madame <strong>de</strong> Villeroy,<br />
49 Margucrite <strong>de</strong> Valois. L 'hepl({l1It?rol7. Paris. V Scrtcnat, 1559. Pour les œuvres <strong>de</strong> Marguerite <strong>de</strong><br />
Valois, se référer à l'édition présentée et annotée par Yves Cazaux: /Vlémoires el aulres écrits <strong>de</strong><br />
Marguerite <strong>de</strong> Valois: <strong>la</strong> reine MargOI, Paris, Mercure <strong>de</strong> France, 2004.<br />
50 Boccace, <strong>Le</strong> décaméron, trad. <strong>du</strong> <strong>la</strong>tin par Giovanni Clerico, Paris, Gallimard, 2006.<br />
51 Louise Labé, « Épître à Clémence <strong>de</strong> Bourges », Oeuvres complètes, Paris, F<strong>la</strong>mmarion, 1986, p. 41.<br />
52 Évelyne Berriot-Salvadore, citée par Linda Timmermans, dans L'accès <strong>de</strong>s femmes à <strong>la</strong> culture<br />
(1598-1715), op. cit., p. 48.<br />
53 Nombreux seraient les exemples <strong>de</strong> publications <strong>féminin</strong>es travesties. Citons les romans <strong>de</strong> Georges<br />
et Ma<strong>de</strong>leine <strong>de</strong> Scudéry. Clélie et Ar<strong>la</strong>mène, ou <strong>Le</strong> Grand Cyrus qui, publiés au milieu <strong>du</strong> XVlfe<br />
<strong>siècle</strong>, sont signés <strong>du</strong> seul nom <strong>de</strong> Georges <strong>de</strong> Scudéry, frère <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine.<br />
54 Madame d'Aulnoy dresse, en 1693, <strong>la</strong> liste <strong>de</strong> ses œuvres dans l'avis précédant ses Nouvelles ou<br />
Mémoires historiques, puis en 1703, dans l'épître <strong>du</strong> Comte <strong>de</strong> Warwick.<br />
55 Sur <strong>la</strong> pratique auctoriale <strong>de</strong> Madame d'Aulnoy, voir Nadine Jasmin, Naissance <strong>du</strong> <strong>conte</strong> <strong>féminin</strong>,<br />
op. cil., p. 435-441.<br />
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