Le conte de fées littéraire féminin de la fin du XVIIe siècle - Archipel
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Carpillon» alors que le <strong>conte</strong> {( Persinette» <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> La Force loue <strong>la</strong> fidélité<br />
amoureuse. <strong>Le</strong>s vertus pédagogiques <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s peuvent cependant, à bien <strong>de</strong>s égards, être<br />
remises en question.<br />
En rep<strong>la</strong>çant dans son récit-cadre d'origine le <strong>conte</strong> {( <strong>Le</strong> mouton », Jean Mainil a<br />
souligné <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> {( mise en gar<strong>de</strong> 350 » que celui-ci est préten<strong>du</strong> exercer au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
nouvelle espagnole Don Gabriel Ponce <strong>de</strong> <strong>Le</strong>on. Dans ce récit, Dona Juana, vieille fille<br />
revêche, s'est éprise <strong>du</strong>jeune Comte d'Agui<strong>la</strong>r, lui-même amoureux <strong>de</strong> <strong>la</strong>jeune et jolie nièce<br />
<strong>de</strong> Dona Juana. <strong>Le</strong> <strong>conte</strong>, qui lui est adressé et est censé mettre en évi<strong>de</strong>nce « les dangers et<br />
ridicules d'une passion non partagée35 1 », met en scène un roi, changé en mouton par <strong>la</strong><br />
vieille fée Ragotte dont il a refusé les avances. <strong>Le</strong> <strong>conte</strong> terminé, Juana p<strong>la</strong>int, certes, « le sort<br />
<strong>du</strong> mouton infortuné:l52 », mais ne prend pas conscience <strong>du</strong> ridicule <strong>de</strong> <strong>la</strong> fée qui est à<br />
l'origine <strong>du</strong> méfait et continue sa cour auprès <strong>du</strong> comte. Certains <strong>conte</strong>s, comme celui-ci,<br />
échouent donc dans leur fonction <strong>de</strong> « mise en gar<strong>de</strong>» par rapport à <strong>la</strong> nouvelle-cadre.<br />
Attestant d'une esthétique mondaine, d'autres <strong>conte</strong>s sont présentés comme <strong>de</strong>s<br />
illustrations <strong>de</strong> maximes ou <strong>de</strong> proverbes, jeux oraux alors très en vogue dans les salons: un<br />
<strong>conte</strong> comme {( <strong>Le</strong> Prince Rosier» <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle Bernard tente par exemple d'expliquer<br />
pourquoi « les roses ont toujours donné <strong>de</strong>s vapeurs m ». Cependant, si nos <strong>conte</strong>uses se<br />
targuent <strong>de</strong> retracer <strong>la</strong> genèse <strong>de</strong> superstitions ou <strong>de</strong> formules popu<strong>la</strong>ires toutes faites, les<br />
proverbes et maximes autour <strong>de</strong>squels elles composent leurs <strong>conte</strong>s n'ont souvent qu'une<br />
valeur très peu pédagogique et ne sont en fait qu'un prétexte au développement romanesque.<br />
Nos <strong>conte</strong>uses ne se soucient en fait que peu d'obéir à toute règle morale. Madame <strong>de</strong><br />
Murat conclut son <strong>conte</strong> « <strong>Le</strong> Pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vengeance» en constatant que <strong>la</strong> fidélité mène à<br />
l'ennui, alors que, dans « Finette Cendron », Madame d' Aunloy incite à <strong>la</strong> vengeance tout en<br />
respectant les règles <strong>de</strong> civilité:<br />
Pour tirer d'un ingrat une noble vengeance,<br />
De <strong>la</strong>jeune Finette imite <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>nce,<br />
Ne cesse point sur lui <strong>de</strong> verser <strong>de</strong>s bienfaits;<br />
Tous tes présents et tes services<br />
350 Jean Mainil, Madame d'Aulnoy elle rire <strong>de</strong>s <strong>fées</strong>: essai sur <strong>la</strong> subversion féerique elle merveilleux<br />
comique sous l'Ancien régime, Paris, Kimé, 2001, p. 145.<br />
351 Ibid., p. 145.<br />
352 Madame d'Aulnoy, « <strong>Le</strong> mouton », Contes <strong>de</strong>s<strong>fées</strong>, op. Cil., p. 425.<br />
353 Ma<strong>de</strong>moiselle Bernard, « <strong>Le</strong> Prince Rosier », Conles, op. Cil., p. 285.<br />
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