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donc le seul exutoire à ses frustrations ? Elle ferma les yeux et adressa une prière silencieuse <strong>au</strong>x dieux<br />
qui lui avaient tourné le dos, pour qu’ils fassent en sorte qu’elle ne croise plus jamais ses anciens amis.<br />
Au moins était-il peu probable que <strong>ce</strong>la se produise. Lorsque la comtesse Gabriella et elle s’étaient<br />
séparées des quatre aventuriers, ils avaient pris la route de Kislev pour participer à la défense de Praag,<br />
la cité étant toujours sous la mena<strong>ce</strong> des hordes du Chaos avec l’arrivée du printemps. Il était presque<br />
<strong>ce</strong>rtain qu’<strong>au</strong>cun d’entre eux ne puisse survivre à un second siège, Praag elle-même n’y survivrait pas non<br />
plus, et connaissant Félix, Max, Gotrek et Snorri, ils préféreraient mourir plutôt que de la voir tomber.<br />
Elle se demanda s’ils avaient d’ores et déjà achevé le voyage de retour, s’ils avaient repris une<br />
chambre à L’Ours Blanc et s’ils passaient leurs journées à boire en attendant que les combats reprennent.<br />
Probablement pas. Il s’était écoulé à peine plus de deux semaines depuis leur départ, ils devaient toujours<br />
être en route, à plaisanter, à se chamailler et à se plaindre du m<strong>au</strong>vais temps.<br />
Soudain, malgré ses prières, elle se prit à désirer se trouver en leur compagnie, à taquiner Félix,<br />
écouter Max parler de tout et n’importe quoi, sourire devant la naïveté de Snorri et l’incorrigible<br />
<strong>ce</strong>rtitude de Gotrek. Mais non, s’ils l’avaient laissée vivre, lui permettre de voyager avec eux <strong>au</strong>rait été<br />
une tout <strong>au</strong>tre chose. Pour eux, elle était désormais un monstre et eux, ils tuaient les monstres. Tout <strong>au</strong>tant<br />
qu’elle tuait des humains. Il était devenu impossible qu’ils puissent à nouve<strong>au</strong> voyager ensemble.<br />
Après avoir réfléchi ainsi sur son existen<strong>ce</strong> passée et <strong>ce</strong>lle qui s’annonçait, elle se décida enfin à se<br />
lever et passa une robe de soie. Le soir était arrivé et elle commençait à entendre des bruits d’activité à<br />
l’intérieur du châte<strong>au</strong>. Ces bruits se firent plus présents quand elle des<strong>ce</strong>ndit l’étroit escalier en spirale<br />
de la tour et quand elle s’engagea dans le sombre couloir, elle faillit être renversée par deux serviteurs<br />
portant une lourde malle <strong>ce</strong>rclée de bronze, un <strong>au</strong>tre suivait avec plusieurs cartons à chape<strong>au</strong>.<br />
Dans le vaste hall d’entrée, les gargouilles posaient leur regard figé sur une intense agitation. D’<strong>au</strong>tres<br />
malles et penderies étaient rangées à proximité des portes principales, des servantes et des valets<br />
recouvraient les armures décoratives et les piè<strong>ce</strong>s d’ameublement de draps blancs. Près de la porte<br />
donnant sur le salon de musique, la comtesse Gabriella, en habit vert forêt, discutait avec Dame Gr<strong>au</strong>, sa<br />
gouvernante, et cochait différentes lignes sur les pages d’un grand volume tenu ouvert devant elles par le<br />
chevalier <strong>au</strong>x cheveux blonds, Rodrik, le champion de Gabriella.<br />
Les pieds nus d’Ulrika claquèrent sur la pierre quand elle se dirigea vers eux.<br />
—Maîtresse ? demanda-t-elle. Que se passe-t-il ?<br />
Gabriella leva vers elle un regard distrait.<br />
—Je dois partir pour Nuln <strong>ce</strong>tte nuit.<br />
Elle reporta son attention sur le <strong>livre</strong> ouvert et posa un doigt sur une ligne particulière.<br />
—Non, je n’<strong>au</strong>rai pas besoin d’<strong>au</strong>tant de valets pour mon séjour. Rodrik, choisissez-en deux pour<br />
m’accompagner, donnez congé <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres.<br />
—À vos ordres, madame, répondit le chevalier.<br />
Une anxiété s’empara d’Ulrika. La comtesse allait-elle la laisser seule ? Pourrait-elle survivre sans<br />
elle ? Parviendrait-elle à se contrôler ?<br />
—Combien… combien de temps resterez-vous partie ?<br />
—Je ne sais pas ! répondit Gabriella en levant à nouve<strong>au</strong> les yeux. Il me reste pas mal de détails à<br />
régler avant mon départ et… Elle marqua une p<strong>au</strong>se et plissa le front. Et tu es justement l’un de <strong>ce</strong>s<br />
détails.<br />
Gabriella prit le <strong>livre</strong> des bras de Rodrik et le tendit à Dame Gr<strong>au</strong>.<br />
—Vous pouvez terminer les préparatifs sans moi, vous savez <strong>ce</strong> qu’il me f<strong>au</strong>t. Gardez le minimum pour<br />
maintenir <strong>ce</strong>tte maison en état jusqu’à mon retour.<br />
—Très bien, madame la comtesse, répondit Dame Gr<strong>au</strong> avec une révéren<strong>ce</strong>.