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chandelles. Des divans de velours et des tables basses entouraient une cheminée délicatement<br />
ornementée, le sol était recouvert de tapis orient<strong>au</strong>x qui supportaient une multitude de lampes, de vases et<br />
de statuettes, tous d’une délicate facture. Cependant, en y regardant de plus près, tous <strong>ce</strong>s objets étaient<br />
ébréchés, l’ameublement vieilli, les tapis rapiécés et tâchés, comme si tout le décor avait été récupéré<br />
<strong>au</strong>x rebuts. Le cristal n’était que du verre et les dorures que du cuivre, et encore, passablement entamé.<br />
Au milieu de tout <strong>ce</strong>t excès pathétique, une scène étrange s’offrait <strong>au</strong>x yeux des Lahmianes. Sur le divan<br />
le plus proche du feu, une femme <strong>au</strong>x cheveux noirs et vêtue d’un corsage rouge se tenait visage baissé en<br />
serrant de ses bras un coussin, alors qu’une fille en tenue de soubrette était penchée sur elle, un genou<br />
enfoncé dans son dos et tirant de toutes se for<strong>ce</strong>s sur les la<strong>ce</strong>ts d’un corset.<br />
—Plus serré, fainéante ! cria la femme. Je ne me suis pas fait enlever les côtes pour rien. Je veux<br />
pouvoir faire le tour de ma taille avec mes deux mains quand tu <strong>au</strong>ras terminé !<br />
—Bien, maîtresse, répondit la fille avant de tirer à nouve<strong>au</strong>.<br />
La femme sur la couche leva les yeux vers ses visiteurs et leur adressa un sourire narquois.<br />
—Juste une minute, mes chères, leur dit-elle. Vous me surprenez en plein habillage. Installez-vous !<br />
Ni Hermione, ni Gabriella et pas même Dagmar n’ac<strong>ce</strong>ptèrent son offre, elles se contentèrent de rester<br />
debout <strong>au</strong> <strong>ce</strong>ntre de la piè<strong>ce</strong>, mal à l’aise, alors que la servante s’échinait à terminer son ouvrage.<br />
Quand elle se redressa, Ulrika put enfin examiner la femme qui, de son avis, devait être Madame<br />
Mathilda en personne. Elle était bien loin d’offrir l’image des <strong>au</strong>tres Lahmianes. Son visage était<br />
grossier, ses lèvres gonflées, sa chevelure tombait d’une manière peu soignée dans son dos. Ce n’était<br />
pas <strong>ce</strong> que l’on pouvait appeler une jolie personne, mais malgré ses traits grossiers et la profonde<br />
estafilade qui partait du coin g<strong>au</strong>che de sa bouche et qui lui faisait comme un sourire permanent, elle était,<br />
d’une <strong>ce</strong>rtaine manière, attirante. Ses yeux d’onyx dégageaient un magnétisme qui promettait des<br />
sensations brutes et inoubliables. Son corps, puisque sa servante en avait terminé avec sa tâche<br />
monumentale et que Mathilda put enfin se redresser pour accueillir son monde, promettait la même chose,<br />
et en abondan<strong>ce</strong>. Ses courbes <strong>au</strong>raient pu rivaliser avec les figures de proue des galères tiléennes, et elle<br />
savait parfaitement comment les mettre en valeur. En <strong>ce</strong>t art, elle ridiculisait Madame Dagmar.<br />
—Eh bien, mes sœurs, poursuivit-elle alors que la servante lui passait une chemise. Quelle surprise de<br />
vous voir ici, je ne me souviens pas que la rive sud du fleuve ait eu le plaisir de votre visite jusque-là. Et<br />
je n’ai même pas été présentée à vos amies.<br />
—Gardez vos belles paroles pour vos clients, Mathilda, siffla Hermione. Vous savez très bien<br />
pourquoi nous sommes là.<br />
Mathilda ouvrit de grands yeux.<br />
—Mais pas du tout ! Je suis restée chez moi comme vous l’aviez ordonné et je ne suis même pas sortie<br />
de <strong>ce</strong>tte piè<strong>ce</strong> depuis des jours.<br />
—Peut-être, répondit Hermione. Mais en <strong>ce</strong> qui con<strong>ce</strong>rne les nuits, c’est une <strong>au</strong>tre histoire.<br />
Gabriella s’avança et lui adressa une révéren<strong>ce</strong> avant qu’elle ne put répondre.<br />
—Je suis la comtesse Gabriella von Nachthafen, lui dit-elle. Envoyée par notre reine pour aider Dame<br />
Hermione à mettre un terme <strong>au</strong>x meurtres de nos sœurs. C’est à <strong>ce</strong> sujet que nous souhaitions nous<br />
entretenir avec vous.<br />
Madame Mathilda rendit la révéren<strong>ce</strong> à Gabriella, avec un regard un peu plus attentif.<br />
—Je vous souhaite bonne chan<strong>ce</strong>, dans <strong>ce</strong> cas. Sa grandeur semble donc donner à <strong>ce</strong>tte affaire une<br />
<strong>ce</strong>rtaine importan<strong>ce</strong>.<br />
—Permettez-moi d’en douter ! intervint Hermione sèchement. En fait, avec l’aide de mon champion ici<br />
présent, le seigneur von Zechlin, j’ai découvert l’identité du coupable !<br />
—Ah ? s’étonna Mathilda en levant des sourcils surpris. De qui s’agit-il ?