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Puis il disparut.
Ulrika hocha la tête, même s’il n’y avait plus personne pour la voir faire, puis elle remarqua que de la
poussière et de la neige tombaient tout autour d’elle. Son esprit toujours embrouillé se dit que sa chute
devait dater d’une bonne semaine, mais si la poussière continuait à tomber, cela ne devait remonter qu’à
quelques secondes tout au plus. Des secondes ! Cela signifiait sans doute que Murnau tentait toujours de
la tuer !
Elle essaya de s’asseoir et toutes les douleurs revinrent, toujours aussi vives que la première fois. Elle
grogna et se laissa retomber, se contentant de tourner la tête pour observer son environnement. Et elle
découvrit le strige.
De là où elle était, il n’était pas très facile de comprendre ce qui s’était passé. Le corps du monstre
était au-dessus d’elle, masquant une grande partie de ciel et semblant même suspendu dans l’air. Elle ne
savait pas trop comment cela était possible, puis elle tourna sa tête un peu plus et vit qu’il semblait
allongé sur le dos, sur le petit toit du puits.
Elle ne comprenait toujours pas, alors elle se tourna tout entière sur le ventre et se leva sur ses genoux.
Chaque muscle de son corps protesta, mais cela ressemblait à un miracle, elle semblait ne souffrir
d’aucune fracture. Comment avait-elle pu faire une chute de trois étages sans se briser un seul os ? Même
pour une créature comme elle, cela paraissait impossible.
Elle se rassit et leva à nouveau les yeux vers le strige et elle comprit soudain. Il était en effet allongé
sur le puits, mais pas réellement sur le petit toit de celui-ci. Il avait en fait fracassé le toit en tombant
dessus et s’était empalé sur l’un des supports de chêne qui l’avait soutenu. Deux bons pieds de cette
poutrelle ressortaient de sa poitrine comme la dent dégoulinante de sang d’un géant. Le monstre restait là,
épinglé comme un énorme et ignoble papillon.
—La bête a amorti ma chute, murmura-t-elle, incrédule.
Par un autre miracle, elle avait elle-même échappé au même sort.
Elle entendit un bruit de pas précipités et elle leva la tête. Elle essaya de se lever, mais n’y parvint pas.
Holmann arrivait en courant, l’épée à la main.
—Fräulein ! dit-il en s’agenouillant près d’elle. N’essayez pas de bouger.
Elle agita la main, puis elle s’appuya contre le rebord du puits et entreprit laborieusement de se
remettre sur ses pieds. Le monde se balançait toujours autant autour d’elle, ses côtes, ses membres et ses
blessures multiples la faisaient souffrir, mais elle parvint à se tenir debout. Elle se tourna vers le
chasseur de sorcières.
—Puis-je vous emprunter votre épée, templier Holmann ? lui demanda-t-elle. J’ai l’impression d’avoir
égaré la mienne.
Il la regarda de travers, peut-être un peu inquiet.
—Et que voulez-vous faire avec ?
—Juste m’assurer de quelque chose, répondit-elle en regardant le strige.
Holmann hésita, puis il inversa sa prise sur la garde de son épée et la lui tendit. Elle lui prit son arme,
puis se dirigea vers la tête du monstre, qui pendait dans le vide, les yeux tournés vers le ciel. Elle leva
bien haut l’épée, puis resta figée dans son geste, stupéfaite. Les yeux de la bête venaient de se tourner
vers elle, toute sa sauvagerie avait disparu, pour être remplacée par une triste confusion.
—La voix, souffla-t-il. La voix a menti.
—Quelle voix ? lui demanda Ulrika. Qui vous a dit de faire tout ça ?
—La… voix, répéta-t-il, puis les yeux devinrent vitreux et la tête bascula un peu plus en arrière.
Ulrika abattit l’épée d’Holmann et la tête du strige fut séparée de ses épaules d’un seul coup précis.
Elle roula dans les graviers, jusqu’aux pieds du templier.