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surprise, <strong>ce</strong>la avait une odeur animale, mais également un léger parfum de girofle, <strong>ce</strong> qui était bien plus<br />
inattendu. Elle étudia la position des empreintes et en déduisit que l’animal avait dû surgir d’une allée<br />
donnant sur la maison close. Elle avança dans <strong>ce</strong>tte direction, presque à quatre pattes afin de pouvoir<br />
humer la piste, mais, encore plus bizarre, la senteur animale disparut très rapidement. Le chien avait-il<br />
s<strong>au</strong>té de quelque part ? Volé ? Et d’ailleurs, pourquoi n’avait-elle pas perçu <strong>ce</strong>tte odeur sur le cadavre<br />
d’Alfina ? Elle se retourna et regarda vers la clôture à laquelle le corps avait été suspendu par le pieu<br />
fiché en travers de la poitrine. Peut-être y retrouverait-elle la piste odorante ?<br />
Elle glissa la poignée de poils dans l’une des pochettes de sa <strong>ce</strong>inture et traversa la rue vers la clôture.<br />
Quelques éclats de bois éparpillés sur le sol étaient les derniers signes évidents de <strong>ce</strong> qui s’était passé là.<br />
Les serviteurs avaient nettoyé l’endroit, une barrière maculée de sang n’<strong>au</strong>rait pas été très encourageante<br />
pour le commer<strong>ce</strong> qui se tenait là. Il restait <strong>ce</strong>pendant quelques effluves, dont la plus présente était <strong>ce</strong>lle<br />
des vomissements laissés par l’homme de von Zechlin, mais en deçà, il y en avait d’<strong>au</strong>tres. Elle put<br />
identifier plusieurs essen<strong>ce</strong>s humaines ainsi que le musc caractéristique des Lahmianes laissé par<br />
Maîtresse Alfina, mais <strong>au</strong>ssi, et <strong>ce</strong>la était encore plus flagrant, <strong>ce</strong>tte senteur de décomposition qu’elle<br />
avait remarquée sur le cadavre. Mais <strong>au</strong>cune tra<strong>ce</strong> olfactive de <strong>ce</strong> mystérieux chien. Avec chaque<br />
nouvelle inhalation, une nouvelle image de <strong>ce</strong> qui avait pu se passer se dessinait dans son esprit, comme<br />
un artiste qui <strong>au</strong>rait effacé puis recommencé en remplaçant les différents protagonistes sur son table<strong>au</strong>. Un<br />
homme remplacé par un chien, puis un homme seul, puis changé à nouve<strong>au</strong> en une créature inhumaine,<br />
peut-être même morte-vivante, ou du moins qui <strong>au</strong>rait séjourné près de cadavres. Mais dans <strong>ce</strong> cas, quel<br />
rôle avait pu jouer le chien ?<br />
Elle secoua la tête. Elle ne parvenait pas à se faire une représentation mentale précise. Elle n’arrivait<br />
pas à visualiser la scène, trop d’éléments contradictoires venaient s’ajouter les uns <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres. Elle se<br />
retourna vers l’allée en se disant qu’elle pourrait peut-être y per<strong>ce</strong>voir une odeur. Une ombre se recula<br />
vivement dans l’obscurité. Les cheveux d’Ulrika se dressèrent sur sa nuque. Quelqu’un la surveillait !<br />
Elle s’élança en avant tout en tirant son sabre. Sa vision nocturne lui avait permis de voir un visage<br />
d’homme, mais rien de plus tant il était dissimulé sous une profonde capuche. Elle ne l’avait pas reconnu.<br />
Au moment où elle se rua dans l’allée, elle entendit un bruit de course. Sa proie s’enfuyait. Ses instincts<br />
de chasseresse revinrent à la charge quand elle dévala l’allée, dérapant sur la neige, s<strong>au</strong>tant par-dessus<br />
des tas d’ordures, ses griffes et ses crocs déjà sortis sans même s’en être rendue compte.<br />
L’intersection suivante était à trente pas d’elle, mais l’homme avait déjà disparu. Elle accéléra<br />
jusqu’<strong>au</strong> croisement et ne prit même la peine de ralentir pour se demander quelle direction il avait prise.<br />
Elle le savait, il avait laissé ses empreintes dans la neige et une traînée d’odeurs flottait dans son sillage,<br />
comme la queue d’une comète. Ce n’était pas <strong>ce</strong>lle de la décomposition, même si <strong>ce</strong>lle-ci était vaguement<br />
présente, mais la puanteur d’un humain ordinaire, un mélange de sueur, de viande et de peur. Mais <strong>au</strong>ssi<br />
de girofle !<br />
Elle tourna <strong>au</strong> coin de la ruelle, bondit par-dessus un mendiant qui empestait la vinasse et l’aperçut<br />
enfin, un individu avec un peu trop d’embonpoint pour cavaler de la sorte. Elle courut à sa poursuite, ses<br />
jambes plus longues et sa vigueur surhumaine lui permirent de combler une partie du retard qu’elle avait<br />
sur lui.<br />
Il tourna une nouvelle fois dans une <strong>au</strong>tre rue. Elle éclata de rire et se rua à sa suite. P<strong>au</strong>vre petite<br />
souris. Ses tentatives de s’échapper étaient presque pathétiques.<br />
Elle tourna à son tour et dérapa sur le sol gelé pour s’arrêter. La souris n’était plus là, envolée. Elle vit<br />
alors la plaque d’égout qui avait été poussée, révélant un conduit carré qui s’enfonçait dans le noir. La<br />
souris avait trouvé un trou dans lequel se glisser.<br />
Elle courut vers l’ouverture et s’arrêta <strong>au</strong> bord. S’agissait-il d’un piège ? Le petit homme n’<strong>au</strong>rait pas