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Elle sourit tristement en elle-même. Avec ses manières un peu brusques, il essayait de la réconforter,
de lui donner le courage d’effectuer une tâche détestable. C’était très touchant.
Elle se souvint de son père lui tenant le même genre de discours alors qu’elle était toute jeune et
qu’elle n’avait pas compris pourquoi il avait entraîné son fils aîné un jour dans une partie de chasse et
était revenu sans lui. Cela avait été difficile pour un enfant d’entendre cela, mais dans les marches du
nord, si proches des désolations du Chaos, de leur lueur qui faisait se détacher les montagnes au loin
chaque nuit, c’était le genre de leçon qui était apprise et acceptée très jeune, car les mutations étaient loin
d’être rares. Il y en avait eu beaucoup d’autres au cours des années : cousins, oncles, tantes, tous des
paysans, auxquels elle avait elle-même mis un terme à l’existence. Cela avait fait partie de ses devoirs en
tant que seule héritière, une mission difficile, douloureuse, mais elle avait fini par se persuader ellemême,
tout comme le templier Holmann, qu’elle n’avait fait que les délivrer. Elle se demanda si, un jour,
elle aurait le courage de s’accorder cette délivrance à elle-même.
Ils arrivèrent à un autre collecteur et Holmann approcha sa lanterne du sol afin de déterminer quelle
direction avait prise le fuyard. Ulrika lui montra des empreintes qu’elle voyait partir sur l’une des
étroites passerelles.
—Là ! Il est parti par là !
Holmann leva le regard vers elle.
—Hé bien, dites-moi, vous avez de bons yeux.
Ulrika inspira à fond quand il se remit en route. Il lui fallait faire plus attention encore. Elle avait tout
simplement oublié qu’elle y voyait bien mieux qu’un humain normal.
—Ça me vient de mon père, répondit-elle.
Ils reprirent leurs petites foulées, l’esprit d’Ulrika retrouva un peu de calme et elle put réfléchir à
d’autres préoccupations que sa simple survie et le fait de rattraper enfin ce mystérieux petit homme. Par
exemple, pourquoi le templier Holmann s’était-il lui-même aventuré dans les égouts ? Avait-il vu quelque
chose ? Le corps de Maîtresse Alfina avait-il été aperçu finalement ? Le chasseur de sorcières avait-il vu
l’assassin ?
—Et vous, messire templier ? Qu’est-ce qui vous a conduit ici ? lui demanda-t-elle enfin.
Pourchassons-nous le même vampire ?
Holmann haussa les épaules.
—Je ne sais pas. Un homme est venu nous trouver, mes camarades et moi, alors que nous enquêtions sur
une disparition, il prétendait avoir vu un vampire escalader une clôture près du Silver Lily.
Ulrika réprima un hoquet de surprise. Quelqu’un avait donc bien vu Alfina.
—Il était ivre, poursuivit Holmann. Mais un templier de Sigmar doit enquêter sur chaque rumeur, même
les plus improbables, alors le capitaine nous a envoyés, Jentz et moi, pour le suivre. Nous n’avons rien
trouvé autour de cette maison close et Jentz a sérieusement réprimandé l’ivrogne pour nous avoir fait
perdre notre temps.
Ulrika se détendit. Finalement, ils n’avaient pas vu Alfina. Parfait.
—Jentz a voulu retourner faire son rapport au capitaine, mais j’ai eu un… une sorte de pressentiment,
je suppose et j’ai préféré pour ma part chercher davantage. Il est donc parti et moi, je me suis promené
dans le quartier. Quelques rues plus loin, j’ai trouvé une plaque d’égout déplacée et je suis descendu pour
voir de quoi il retournait. Il regarda alors Ulrika. J’étais sur le point de renoncer quand j’ai entendu des
cris et vu votre lumière.
—Grâce soit rendue à Ursun pour cela, répondit Ulrika, même si en réalité elle maudissait
intérieurement ce même dieu pour cette malchance qui avait conduit à cette rencontre fortuite. Sans lui, à
l’heure actuelle, je serais déjà morte noyée, ajouta-t-elle.