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elle renvoyé le cocher d’Aldrich ? Elle n’<strong>au</strong>rait eu <strong>au</strong>cun problème à rentrer même une fois le soleil levé.<br />
Maintenant, elle allait devoir courir contre la mort. Elle gardait sans <strong>ce</strong>sse un œil en direction de l’est<br />
afin de surveiller la progression de l’astre honni. Tout d’abord, il n’y avait <strong>au</strong>cune différen<strong>ce</strong> entre les<br />
toits et le ciel derrière eux, mais alors qu’elle traversait l’Handelbezirk, là où les commerçants<br />
préparaient déjà leurs étals et les hommes du guet relevaient les derniers ivrognes de la nuit passée, les<br />
toits commencèrent à se détacher sur l’horizon lointain, et lorsqu’elle atteignit le mur qui séparait le<br />
Neuestadt de l’Altestadt, le ciel avait pris une forte teinte rosée.<br />
Franchir <strong>ce</strong>tte porte à bord de la calèche d’un riche marchand avait été une formalité. Les gardes de la<br />
H<strong>au</strong>te Porte s’étaient contentés de saluer sans même jeter un œil à l’intérieur. Mais comme le cocher le<br />
lui avait dit, rentrer seule à une heure <strong>au</strong>ssi matinale, vêtue de ses habits de cavalier et parlant avec son<br />
lourd ac<strong>ce</strong>nt kislévite, allait s’avérer bien plus délicat.<br />
Ulrika s’arrêta <strong>au</strong> dernier croisement avant les portes et observa les gardes qui semblaient s’ennuyer à<br />
faire les <strong>ce</strong>nt pas devant les imposants montants. Elle pouvait essayer à faire jouer le nom du maître de<br />
guilde afin d’obtenir qu’on la laisse passer, mais <strong>ce</strong>la pourrait ne pas marcher et pire, pourrait même<br />
faire peser les soupçons sur sa demeure, une chose que la comtesse Gabriella désapprouverait sans <strong>au</strong>cun<br />
doute.<br />
Elle regarda à nouve<strong>au</strong> vers l’est, le ciel s’éclaircissait de plus en plus et commençait même à lui faire<br />
mal <strong>au</strong>x yeux. La journée s’annonçait froide et claire, sans le moindre nuage. Il n’était plus temps<br />
d’hésiter, mais que faire ? Les égouts devaient probablement passer sous les murs, mais ils constituaient<br />
un véritable labyrinthe, elle pourrait même ne jamais trouver son chemin. Parviendrait-elle à passer de<br />
l’<strong>au</strong>tre côté ? Elle avait entendu parler de vampires capables de se transformer en ch<strong>au</strong>ve-souris ou en<br />
brume, mais elle n’avait jusque-là remarqué <strong>au</strong>cune de <strong>ce</strong>s capacités chez elle.<br />
Peut-être était-<strong>ce</strong> par<strong>ce</strong> qu’elle n’en avait jamais eu besoin. N’avait-elle pas déjà réussi des bonds à<br />
faire pâlir un criquet ? Ne s’était-elle pas échappée de <strong>ce</strong>tte tour du châte<strong>au</strong> Nachthafen et n’était-elle pas<br />
des<strong>ce</strong>ndue le long du mur jusqu’<strong>au</strong> sol ? Elle recula derrière le coin de la rue, hors de vue des gardes de<br />
la porte, puis chercha une rue parallèle <strong>au</strong> mur. Là, elle examina l’ouvrage de h<strong>au</strong>t en bas. Les architectes<br />
de Nuln l’avaient construit d’une manière très judicieuse. Il n’existait <strong>au</strong>cun bâtiment collé contre le mur,<br />
qui s’imposait dans toute sa majesté, avec à intervalle régulier une tour carrée. Et c’est justement <strong>ce</strong>s<br />
tours qui lui offraient une opportunité.<br />
Les flancs des tours formaient un angle droit avec le mur, et lui fournissaient un endroit qu’elle pourrait<br />
escalader bien plus facilement que le mur lui-même. Elle courut vers la tour la plus proche et estima la<br />
h<strong>au</strong>teur. Le mur devait faire quinze fois sa taille et les pierres étaient jointes par un mortier qui ne laissait<br />
que peu de prises, mais les pierres elles-mêmes n’étaient que grossièrement taillées et proposaient de<br />
nombreux endroits pour pla<strong>ce</strong>r facilement ses mains et ses pieds, facilement en tout cas pour des mains<br />
capables de déchirer un humain ordinaire.<br />
Elle commença l’escalade, s’aidant de l’angle et grimpa avec fluidité. D’où elle était, elle était cachée<br />
<strong>au</strong> regard de tout soldat patrouillant le long des créne<strong>au</strong>x qui couraient tout le long <strong>au</strong> sommet du mur. Cet<br />
avantage s’amenuisa <strong>ce</strong>pendant <strong>au</strong> fur et à mesure qu’elle approcha du sommet, sous le surplomb des<br />
mâchicoulis, là où les pierres avaient été plus finement taillées pour ne lui laisser que peu de prises.<br />
Elle se pencha en arrière <strong>au</strong>tant qu’elle le put, et s’accrocha si fort de ses griffes qu’elles tracèrent de<br />
profondes estafilades dans les pierres. En tordant le cou <strong>au</strong> maximum, elle parvenait tout juste à voir<br />
l’avant des créne<strong>au</strong>x. Elle ne comprit tout d’abord pas comment elle allait pouvoir franchir <strong>ce</strong>t obstacle<br />
<strong>au</strong>ssi lisse que du granit, mais elle aperçut de petites ouvertures carrées servant <strong>au</strong> drainage, mais <strong>au</strong>ssi<br />
sans doute à verser de l’huile bouillante sur la tête des assiégeants. Il n’y en avait que quelques-unes, et<br />
<strong>au</strong>cune ne se trouvait directement <strong>au</strong>-dessus d’elle, mais il lui f<strong>au</strong>drait faire avec.