Télécharger ce livre au format PDF

Moins d’un quart d’heure plus tard, elle trouva le dernier carrefour précédant Mondthaus et fit virer son
cheval dans la direction montrée par le panneau indicateur. Tout autour, les terres cultivées blanchies par
la neige s’étendaient sur de douces ondulations, mais la route qu’elle suivait au triple galop tourna vers
une épaisse forêt de pins montant sur une grande colline, plantée comme une verrue en plein milieu de ces
plaines fertiles. Les arbres se refermèrent rapidement au-dessus d’elle et le vent, qui n’avait rien trouvé à
quoi se raccrocher dans cette plaine, se mit à gémir comme s’il se faisait découper par les branches.
Dans l’épais sous-bois qui s’étalait de part et d’autre de la petite route, elle aperçut de temps à autre
les pierres de vieux murs, brisées et à moitié recouvertes de mousses, et même un monolithe érigé par un
peuple ancien, étrangement illuminé par un rayon de lune qui transperçait la canopée.
Plus elle approchait du sommet de la colline, plus elle ressentait une sorte de torpeur et se disait
qu’elle n’avait pas pris le bon chemin. Elle jura entre ses dents et secoua plusieurs fois la tête pour
parvenir à se concentrer et continuer à suivre cette voie. Encore un sort de confusion, semblable à celui
qui avait dissimulé la crypte de la bête, mais bien plus fort et visiblement destiné à tromper ses
semblables également.
Plus elle avançait et plus elle ressentait l’envie de faire demi-tour, au point qu’elle dut lutter contre ce
besoin compulsif qui enflait avec chaque pas de sa monture. Puis, devant elle, elle aperçut un portail de
fer fermant un mur haut et robuste. Elle continua d’avancer, même si elle avait l’impression de lutter
contre un courant qui voulait l’entraîner dans la direction inverse. Elle sauta au bas de sa monture et
avança jusqu’à la grille.
Elle se trouva même incapable de la toucher, une énergie noire jaillissait des barreaux chaque fois que
ses doigts approchaient et la repoussait. Cela ressemblait à un tour de passe-passe qu’elle avait déjà vu
réaliser par un alchimiste auparavant. Plus elle poussait, plus la force la renvoyait en arrière. La bête et
le sorcier étaient-ils déjà là et avaient-ils verrouillé cette porte derrière eux ? Étaient-ils responsables de
cela ? Avaient-ils déjà tué tout le monde et s’étaient-ils emparés des lieux ?
Un grondement sourd s’échappa de sa gorge. Si c’était le cas, il lui fallait trouver un moyen de briser
ce verrou et d’aller le leur faire payer. Elle exercerait sa vengeance au nom de ceux qu’elle n’avait pu
protéger à cause de son retard. Elle recula et examina le haut mur. Elle pourrait l’escalader facilement,
mais la protection magique s’étendait-elle jusque-là ?
Un trait d’arbalète passa entre les barreaux du portail et siffla à son oreille. Elle s’accroupit et regarda.
L’un des gentilshommes d’Hermione approchait tout en rechargeant son arme. Ulrika soupira de
soulagement quand elle le vit, malgré son attitude peu accueillante. Si ces gens défendaient toujours le
domaine, cela signifiait que la bête n’avait pas encore frappé ou bien, une hypothèse encore plus
réjouissante, qu’elle avait même été défaite !
—Dégagez ! cria l’homme. Ces flèches sont à pointe d’argent et la prochaine ne ratera pas votre cœur !
—J’ai des nouvelles urgentes pour votre maîtresse ! répondit Ulrika. J’ai découvert le repaire du
tueur !
L’homme éclata de rire.
—Le meurtrier est déjà capturé, mon gars ! Oh, pardon, ma fille !
Ulrika ouvrit de grands yeux en entendant cela. Hermione était parvenue à piéger la bête et le sorcier ?
La guerre était-elle terminée ?
—Votre maîtresse et la louve ! poursuivit le garde en ricanant. Capturées et enchaînées pour être
jugées !
Le bref espoir d’Ulrika s’évanouit soudain. Elle grogna. Comment cela était-il possible ? Hermione et
ses gens auraient-ils pu prendre le dessus sur Gabriella et Mathilda ? Elle grimaça. Avec des armes en
argent, elle supposait que cela fût possible.