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Cioran De l'inconvénient d'être né - il portale di "rodoni.ch"

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<strong>De</strong> <strong>l'inconvénient</strong> <strong>d'être</strong> <strong>né</strong><br />

Il fallait s'en tenir à l'état de larve, se <strong>di</strong>spenser d'évoluer, demeurer inachevé, se plaire à la sieste<br />

des éléments, et se consumer paisiblement dans une extase embryonnaire.<br />

La vérité réside dans le drame in<strong>di</strong>viduel. Si je souffre réellement, je souffre beaucoup plus qu'un<br />

in<strong>di</strong>vidu, je dépasse la sphère de mon moi, je rejoins l'essence des autres. La seule manière de nous<br />

acheminer vers l'universel est de nous occuper uniquement de ce qui nous regarde.<br />

Quand on est fixé au doute, on ressent plus de volupté à faire des considérations sur lui qu'à le<br />

pratiquer.<br />

Si on veut connaître un pays, on doit pratiquer ses écrivains de second ordre, qui seuls en<br />

reflètent la vraie nature. Les autres dénoncent ou transfigurent la nullité de leurs compatriotes : <strong>il</strong>s<br />

ne veulent ni ne peuvent se mettre de plain-pied avec eux. Ce sont des témoins suspects.<br />

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Dans ma jeunesse <strong>il</strong> m'arrivait de ne pas fermer l'œ<strong>il</strong> pendant des semaines. Je vivais dans le<br />

jamais vécu, j'avais le sentiment que le temps de toujours, avec l'ensemble de ses instants, s'était<br />

ramassé et concentré en moi, où <strong>il</strong> culminait, où <strong>il</strong> triomphait. Je le faisais, bien entendu, avancer,<br />

j'en étais le promoteur et le porteur, la cause et la substance, et c'est en agent et en complice que je<br />

participais à son apothéose. Dès que le somme<strong>il</strong> s'en va, l'inouï devient quoti<strong>di</strong>en, fac<strong>il</strong>e : on y entre<br />

sans préparatifs, on s'y installe, on s'y vautre.<br />

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Le nombre pro<strong>di</strong>gieux d'heures que j'aurais gasp<strong>il</strong>lées à m'interroger sur le « sens » de tout ce qui<br />

est, de tout ce qui arrive... Mais ce tout n'en comporte aucun, les esprits sérieux le savent. Aussi<br />

emploient-<strong>il</strong>s leur temps et leur énergie à des tâches plus ut<strong>il</strong>es.<br />

Mes affinités avec le byronisme russe, de Pétchorine à Stavroguine, mon ennui et ma passion<br />

pour l'ennui.<br />

X, que je n'apprécie pas spécialement, était en train de raconter une histoire si stupide que je<br />

m'éve<strong>il</strong>lai en sursaut. Ceux que nous n'aimons pas br<strong>il</strong>lent rarement dans nos rêves.<br />

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Les vieux, faute d'occupations, ont l'air de vouloir résoudre on ne sait quoi de très compliqué et<br />

d'y vouer toutes les capacités dont <strong>il</strong>s <strong>di</strong>sposent encore. Telle est peut-être la raison pour laquelle <strong>il</strong>s<br />

ne se tuent pas en masse, comme <strong>il</strong>s devraient le faire s'<strong>il</strong>s étaient un tantinet moins absorbés.<br />

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