Cioran De l'inconvénient d'être né - il portale di "rodoni.ch"
Cioran De l'inconvénient d'être né - il portale di "rodoni.ch"
Cioran De l'inconvénient d'être né - il portale di "rodoni.ch"
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>De</strong> <strong>l'inconvénient</strong> <strong>d'être</strong> <strong>né</strong><br />
Je ne me suis jamais pris pour un être. Un non-citoyen, un marginal, un rien du tout qui n'existe<br />
que par l'excès, par la surabondance de son <strong>né</strong>ant.<br />
Avoir fait naufrage quelque part entre l'épigramme et le soupir!<br />
*<br />
*<br />
La souffrance ouvre les yeux, aide à voir des choses qu'on n'aurait pas perçues autrement. Elle<br />
n'est donc ut<strong>il</strong>e qu'à la connaissance, et, hors de là, ne sert qu'à envenimer l'existence. Ce qui, soit<br />
<strong>di</strong>t en passant, favorise encore la connaissance.<br />
« Il a souffert, donc <strong>il</strong> a compris. » C'est tout ce qu'on peut <strong>di</strong>re d'une victime de la mala<strong>di</strong>e, de<br />
l'injustice, ou de n'importe quelle variété d'infortune. La souffrance n'améliore personne (sauf ceux<br />
qui étaient déjà bons), elle est oubliée comme sont oubliées toutes choses, elle n'entre pas dans le<br />
« patrimoine de l'humanité », ni ne se conserve d'aucune manière, mais se perd comme tout se perd.<br />
Encore une fois, elle ne sert qu'à ouvrir les yeux.<br />
L'homme a <strong>di</strong>t ce qu'<strong>il</strong> avait à <strong>di</strong>re. Il devrait se reposer maintenant. Il n'y consent pas, et bien<br />
qu'<strong>il</strong> soit entré dans sa phase de survivant, <strong>il</strong> se trémousse comme s'<strong>il</strong> était au seu<strong>il</strong> d'une carrière<br />
mirobolante.<br />
Le cri n'a de sens que dans un univers crée. S'<strong>il</strong> n'y a pas de créateur, à quoi rime d'attirer<br />
l'attention sur soi?<br />
« Arrivé sur la place de la Concorde, ma pensée était de me détruire. »<br />
Rien, dans toute la littérature française, ne m'aura poursuivi autant.<br />
En tout, seuls comptent le commencement et le dénouement, le faire et le défaire. La voie vers<br />
l'être et la voie hors de l'être, c'est cela la respiration, le souffle, alors que l'être comme tel n'est<br />
qu'un étouffoir.<br />
A mesure que le temps passe, je me persuade que mes premières an<strong>né</strong>es furent un para<strong>di</strong>s. Mais<br />
je me trompe sans doute. Si jamais para<strong>di</strong>s <strong>il</strong> y eut, <strong>il</strong> me faudrait le chercher avant toutes mes<br />
an<strong>né</strong>es.<br />
Règle d'or : laisser une image incomplète de soi...<br />
Plus l'homme est homme, plus <strong>il</strong> perd en réalité : c'est le prix qu'<strong>il</strong> doit payer pour son essence<br />
<strong>di</strong>stincte. S'<strong>il</strong> parvenait à aller jusqu'au bout de sa singularité, et qu'<strong>il</strong> devînt homme d'une façon<br />
totale, absolue, <strong>il</strong> n'aurait plus rien en lui qui rappelât quelque genre d'existence que ce fût.<br />
*<br />
*<br />
*<br />
*<br />
*<br />
*<br />
*<br />
87