Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
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la méchanceté: "J'ai à mon bureau, écrit-il à son frère, dans une lettre de 1843, l'être le plus<br />
curieux qu'on puisse voir. Tout le contraire de toi. Il n'a plus de cœur. Pas un sentiment ne<br />
respire en lui, pas une pensée, pas une idée. Sec, froid, <strong>du</strong>r, rien dans le cœur, rien dans la<br />
tête. Sa main ne sait pas donner une poignée de main. Il a de l'esprit, de l'aplomb, mais pour<br />
déchirer et mordre ses meilleurs amis, ou plutôt ses camarades.[...] le <strong>monde</strong> dévore de bien<br />
grands cœurs, de douces intelligences...mais toi tu résisteras, tu es fort, tu aimes, tu sais aimer.<br />
Ne crains rien, tant que tu nous aimeras comme tu le dis toi-même, tu ne descendras pas.<br />
L'amour élève, il transfigure, il vivifie. C'est une religion que l'amour, puisque la vraie religion<br />
n'est qu'amour".<br />
Lorsqu’il écrit cette lettre, il n’a pas encore rencontré M. LePrevost, qui saura répondre<br />
à ses interrogations sur les mystères de la religion chrétienne, l’amour de Dieu, les anges et la<br />
création de l’homme. Est-ce poussé <strong>par</strong> cette inquiétude, ou est-ce simplement <strong>par</strong> politesse,<br />
pour y accompagner l’une de ses <strong>par</strong>entes23 , qu’en 1841, <strong>Maurice</strong> s’en va écouter un sermon<br />
de l’abbé Bautain? Deux ans plus tard, dans un entretien avec M. LePrevost, il s’en souvient<br />
toujours: "J’ai admiré autrefois la doctrine que j’ai enten<strong>du</strong> prêcher <strong>par</strong> M. l’abbé Bautain<br />
dans une retraite à Saint-Roch, et qui donnait pour raison à la création et à la révélation,<br />
l’Amour". Cette thèse de l’Amour pour raison déterminante en Dieu de la création et de<br />
l’humanité, l’avait touché au point de se mettre en quête d’un directeur spirituel. Au retour de<br />
ce sermon, 24 sous le coup de l’émotion, il prend sa plume et rédige un brouillon de lettre à son<br />
ancien maître es-catéchisme, l'abbé Dupanloup. Ce "brouillon", où il résume sa vie et clame<br />
sa détresse intérieure, constitue l’une des pages les plus fortes qu’il ait écrites. C’est le cri<br />
pathétique d’une âme en quête de Dieu.<br />
"Monsieur, il y a sept ans que j'ai fait ma première communion. J'ai dix-neuf ans. Ces<br />
sept années ont passé vite. J'avais une foi vive, une croyance profonde, mais cette croyance et<br />
cette foi se sont éteintes au contact <strong>du</strong> <strong>monde</strong>. [...] il n'y a pas huit jours, je suis entré à Notre-<br />
Dame pour entendre un sermon de M. de Ravignan; j'y suis entré presque contraint, ennuyé<br />
d'avance et mal à l'aise dans cette vaste église, n'osant porter devant la foule l'eau bénite à<br />
mon front, craignant les sourires <strong>par</strong>ce que je suis jeune, mais intérieurement humilié de cette<br />
faiblesse. Je m'ennuie, j'écoute indifférent d'abord, puis je m'intéresse, je ne quitte pas une<br />
minute de l'œil et de l'esprit le prédicateur et sa <strong>par</strong>ole, je sors de là bouleversé, encore tout<br />
ému de cette <strong>par</strong>ole vibrante.[...] je suis ravi en écoutant les chants d'église, autrefois moqueur<br />
et insouciant, aujourd’hui, toutes ces hymnes me <strong>par</strong>aissent graves, sereines, pleines de mélodie,<br />
de majesté. Tous ces visages de prêtres où je cherchais l'hypocrisie, le mensonge ou le<br />
vice, me <strong>par</strong>aissent enveloppés comme d'une auréole lumineuse de prière. Oh! Monsieur, dites-moi<br />
donc ce que veut dire tout cela..."<br />
Car, ce qui le frappe chez Dupanloup, c'est qu'il ne fait acception de personne: "Je me<br />
rappelle que vous confessiez les comtes et les barons en même temps et au même titre que les<br />
pauvres petits enfants déguenillés des écoles chrétiennes. Vous aviez pour eux tous les mêmes<br />
<strong>par</strong>oles d'onction, de bonté, de clémence. Tout a bien changé depuis, vous êtes monté bien<br />
haut, nous autres, nous sommes encore ce que nous étions alors, obscurs et inconnus.[...] je<br />
vous écris <strong>par</strong>ce que je me rappelle la grâce ineffable avec laquelle vous m’accueilliez, <strong>par</strong>ce<br />
que je me rappelle la charité de vos douces <strong>par</strong>oles,...."<br />
23<br />
"Une retraite prêchée à St-Roch <strong>par</strong> M. l’abbé Bautain sous forme de conférences sur les vérités de la Religion et que<br />
j’eus l’occasion de suivre tout entière, en accompagnant une de mes <strong>par</strong>entes, acheva de me convaincre. Histoire de la<br />
vocation <strong>du</strong> 3 e Frère, op.cit. p.8. Cf. infra, la description d’une retraite <strong>du</strong> Vendredi-Saint, à Notre-Dame-de-Paris <strong>par</strong> le<br />
Père de Ravignan où <strong>Maurice</strong> <strong>Maignen</strong> emmena sa mère.<br />
24<br />
"...je revenais d’entendre un sermon de l’abbé Bautain. Le soir même, en rentrant, je griffonnais sur un bout de papier<br />
cette lettre..."Notes, M. <strong>Maignen</strong>, AMM.<br />
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