Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
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sa vie, au cours d’une causerie spirituelle faite à ses frères, M. <strong>Maignen</strong> était revenu sur les<br />
raisons de ce patronage.<br />
"Le choix de saint François de Sales comme patron de la Congrégation n’a pas eu lieu<br />
tout de suite, à notre origine, en même temps que celui de saint Vincent de Paul. Le besoin ne<br />
s’en est fait sentir qu’au bout d’un an ou deux, lorsque l’enthousiasme des premiers jours de<br />
notre réunion pour le service de Dieu et des pauvres se fut calmé, et lorsque s’accentuèrent,<br />
peu à peu, et au jour le jour, les difficultés inhérentes à la vie commune.<br />
Nous nous aperçûmes, en effet, que la réunion, sous un même toit, ne suffisait pas pour<br />
constituer l’union et la fusion des esprits, des cœurs et des caractères, entre trois hommes si<br />
divers <strong>par</strong> l’âge et l’é<strong>du</strong>cation. Le support mutuel fut une de nos premières difficultés, à notre<br />
grand étonnement. Alors, la dévotion à saint François de Sales, ami de saint Vincent de Paul,<br />
nous fut conseillée <strong>par</strong> M. LePrevost et <strong>par</strong> M. Beaussier...Cette suavité dans les rapports, à<br />
l’intérieur, cette mansuétude au dehors, envers le prochain, cette patience à l’égard des événements<br />
plus ou moins contrariants et pénibles, et même cette douceur envers soi-même dans<br />
les faiblesses ou les rechutes, sont les conditions essentielles de la paix intérieure dans la vie<br />
religieuse. Saint François de Sales est le maître <strong>par</strong> excellence de l’union et de la charité fraternelles.<br />
M. LePrevost voulut que ce grand saint devint notre modèle et notre docteur...Nous<br />
devons à saint François de Sales le caractère imprimé dès les premiers jours, à notre humble<br />
société: ce que nous appelons l’esprit et la vie de famille". 76<br />
La petite communauté s’était réunie sous l’égide de la charité <strong>du</strong> Père céleste, "de qui<br />
vient toute paternité". Mais il lui fallait apprendre ce qu'était la "fraternité". L’exiguïté de la<br />
maison et le mouvement des œuvres ajoutaient encore à la difficulté. Les activités <strong>du</strong> patronage,<br />
de la Sainte-Famille, de la Caisse d’économie et des loyers77 se multipliaient à la rue <strong>du</strong><br />
Regard, les confrères, les enfants, les pauvres...ce va-et-vient quotidien gêne les exercices<br />
religieux de ces "moines <strong>du</strong> XIX e siècle", qui ont à vivre leur vocation en pleine ville.<br />
"L’asile béni" que le Seigneur leur a donné s’avère trop exigu, -il n’y a que trois chambres-,<br />
ils doivent rechercher sans tarder un local plus commode. Qui viendrait au secours de trois<br />
pauvres frères laïcs?<br />
Or, le dimanche <strong>du</strong> Bon Pasteur, le 18 avril, en la fête de la translation des reliques de<br />
saint Vincent de Paul, la Providence se manifeste en la personne d’une pieuse laïque, mademoiselle<br />
Géray, qui a eu vent des projets de M. LePrevost. Elle propose gracieusement aux<br />
frères une maison qu’elle possède dans le village de Grenelle, à la seule condition qu’ils y<br />
établissent une œuvre de charité. Quinze jours de démarches et de prières suffisent: le 1 er mai,<br />
ils peuvent disposer, au 75 de la rue <strong>du</strong> Commerce et ce pour une période de dix ans, d’une<br />
maison, vaste, simple et commode, agrémentée d’un jardinet, à charge pour eux d’en user<br />
"pour la gloire de Dieu et le service des pauvres".<br />
Ils s’y installent au début <strong>du</strong> mois de juin. Ils vont vivre cinq78 belles années dans leur<br />
"petit monastère de Grenelle", selon l’expression de M. LePrevost, heureux de cet "asile convenable<br />
et propre au recueillement". Il n’est situé qu’à une demi-heure de la rue <strong>du</strong> Regard, et<br />
leur offre l’avantage, lorsqu’ils <strong>par</strong>tent de bon matin, de pouvoir dire leur office tout en marchant79<br />
dans les rues de Paris!<br />
76 Ch. <strong>Maignen</strong>, <strong>Maurice</strong> <strong>Maignen</strong>, t.II, p.1348.<br />
77 Fondée <strong>par</strong> LePrevost en 1846, pour les pauvres <strong>du</strong> quartier Saint-Sulpice. Elle le permettait de déposer leurs économies,<br />
et d’amasser peu à peu de quoi payer leur loyer. Chaque trimestre, ils avaient droit à une prime d’encouragement proportionnée<br />
à leurs dépôts et calculée à 15 à 20%. Cf. L.138-1, <strong>du</strong> 28.4.1846.<br />
78 C’est en février 1851 que la maison-mère de l’Institut quitte la rue <strong>du</strong> Commerce pour s’installer rue de l’Arbalète.<br />
79 "8h30. Dé<strong>par</strong>t pour Paris. Nous disons notre office en marchant". Souvenirs de M. Myionnet.<br />
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