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Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.

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mençait <strong>par</strong> un bref rappel historique: "[Avant la Révolution], il n’y avait pas de sociétés de<br />

patronage, et il n’en était pas besoin, puisque les apprentis avaient pour patrons les jurés de la<br />

Corporation (...). N’est-ce pas, aussi, en grande <strong>par</strong>tie, <strong>du</strong> regret d’une institution abolie avec<br />

trop de précipitation que témoignent ces vœux, ces réclamations répétées sur l’organisation<br />

<strong>du</strong> travail, cette obscure utopie des socialistes". Rien n’autorise à croire que M. <strong>Maignen</strong> ait<br />

spécialement relevé et commenté ce passage <strong>du</strong> Manuel, mais viendra le temps où il sera<br />

contraint de chercher lui aussi une solution pour protéger ses apprentis et ses <strong>ouvrier</strong>s. Ce<br />

qu’il "réclamera" alors, ce sera, à l'échelon de l'Etat, une organisation <strong>du</strong> travail!<br />

Mais, en 1846, comment fonctionnait ce patronage, si minutieusement réglementé?<br />

A Paris, les maisons de patronage de la Société de Saint-Vincent-de-Paul étaient dirigées<br />

<strong>par</strong> une commission administrative, composée des délégués des conférences de quartier.<br />

(Celle <strong>du</strong> patronage de la rue <strong>du</strong> Regard avait 13 délégués). Chaque délégué devait visiter les<br />

apprentis qu’il patronnait, au moins une fois <strong>par</strong> semaine, à l’atelier. Il les retrouvait le dimanche,<br />

au patronage.<br />

On procédait ainsi: chaque conférence présentait au conseil de placement les apprentis<br />

qu’elle prenait en charge. Le conseil examinait les offres des patrons qui s’adressaient à lui<br />

pour avoir des apprentis. Il traitait avec les patrons. Et le président <strong>du</strong> Patronage, à l’époque<br />

M. Bourlez, signait les contrats avec la Société, contrats dont l’une des clauses obligatoires<br />

était la liberté <strong>du</strong> dimanche pour l’apprenti, à charge pour la Société de nourrir l’enfant ce<br />

jour-là.<br />

Toutes ces précautions, spécialement celles qui ont trait à la sanctification <strong>du</strong> dimanche,<br />

sont nécessaires, si l’on veut travailler pour Dieu et non pour plaire aux hommes, et faire,<br />

comme aimera à le répéter LePrevost "des œuvres sérieuses qui aillent au fond des choses".<br />

Car il faut, d’une <strong>par</strong>t, louvoyer entre différents antagonismes, patrons-<strong>ouvrier</strong>s, compagnonsapprentis,<br />

et d’autre <strong>par</strong>t, sensibiliser les <strong>par</strong>ents à la situation et à l’avenir de leurs enfants,<br />

tellement ils sont "en<strong>du</strong>rcis <strong>par</strong> leur propre misère". 59<br />

La visite régulière et cordiale des confrères finit <strong>par</strong> porter ses fruits, comme le souligne<br />

Myionnet dans une lettre à l’évêque d’Angers: "Les maîtres d’apprentissage, à qui on craignait<br />

de <strong>par</strong>ler de la liberté <strong>du</strong> dimanche voilà quelques années, acceptent aujourd’hui cette<br />

condition de nos contrats sans observation aucune"(17.09.1845). Il faut <strong>du</strong> tact, <strong>du</strong> doigté et<br />

de la fermeté aux visiteurs, comme le rappelle le Manuel de 1844. "L’Instruction pour les<br />

patrons des apprentis: la visite et le patronage demandent trois conditions indispensables: persévérance<br />

(faire une visite exacte et continuer assez longtemps ses fonctions), célérité (intervenir<br />

rapidement en cas d’accidents survenus dans les rapports <strong>du</strong> maître, des <strong>par</strong>ents, et de<br />

l’apprenti), dévouement (veiller constamment sur les intérêts de l’apprenti, spécialement le<br />

bien religieux, moral et professionnel de l’enfant)" (pp.102.103).<br />

<strong>Maignen</strong> s’acquitte consciencieusement de son rôle de visiteur. Sur l’une de ses fiches<br />

personnelles, intitulée "organisation de la visite des ateliers plus sérieuse", il a dressé la liste<br />

des visiteurs de chaque conférence: Dauchez pour la conférence de Saint-Germain, M. de<br />

Bioncourt pour Saint-Sulpice, <strong>Maignen</strong> pour celle de St-Thomas-d’Aquin, etc. Il faut que les<br />

Confrères fassent <strong>par</strong>venir leurs rapports de visite (bulletins mensuels) à la maison <strong>du</strong> patronage<br />

le 2 e dimanche <strong>du</strong> mois. Le Directeur en prend alors connaissance et les renvoie à un<br />

59 Serge Grandais,sv, Vie de Clément Myionnet, 1991, p.357. Pierre Pierrard cite le cas d’un inspecteur qui, "en visite dans<br />

une filature <strong>du</strong> faubourg Saint-Antoine, y trouve un enfant de sept ans, malingre, étiolé, ne tenant pas sur ses jambes; le<br />

manufacturier, interpellé, le renvoie à la mère qui insulte l’inspecteur: "De quoi vous mêlez-vous? J’ai été élevée ainsi,<br />

mon enfant peut bien faire à son tour ce que j’ai fait; j’ai subi cette peine, il doit la subir à son tour". Enfants et Jeunes Ouvriers<br />

en France, 1987, p.58.<br />

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