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Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.

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combat, je m'en<strong>du</strong>rcissais à supporter la faim, la fatigue et le froid, et lorsque dans un âge plus<br />

avancé l'é<strong>du</strong>cation vint calmer un peu ma tête exaltée, instruit dans l'art de peindre et de versifier,<br />

je traçais les victoires, les batailles et les dangers que je ne pouvais <strong>par</strong>tager [...] maintenant<br />

qu'un décret m'appelle à marcher sous vos étendards, trop ardent pour supporter une année<br />

de repos dans d'obscures garnisons, je vous supplie de hâter mon dé<strong>par</strong>t, de me joindre<br />

aux guerriers honorés <strong>du</strong> titre glorieux de soldats de votre Grande Armée, <strong>du</strong>ssè-je payer de<br />

ma vie le bonheur que j'aurais de combattre un instant plus tôt sous vos ordres...Charles-<br />

Désiré <strong>Maignen</strong>, élève de Gros".<br />

Mais sa famille ne l’entend pas de cette oreille et sa mère fait intervenir des artistes connus,<br />

comme les peintres David, Guérin et Girodet. Tous intercèdent pour qu'un jeune homme<br />

aussi doué n'ait pas sa carrière brisée, et "puisse faire le plus grand honneur à l'école française".<br />

Deux membres éminents de l’Institut, Deseine et Lebreton, confirment, eux aussi, que ce<br />

serait une perte pour la peinture s'il devait interrompre ses études. Nous ne savons rien de sa<br />

réaction, mais cette pétition obtint le succès voulu <strong>par</strong> sa famille, et Charles-Désiré peut ainsi<br />

échapper à la conscription. Bien plus, il bénéficie d'un sursis pour concourir au prix de peinture<br />

et, le 28 août 1813, il est admis à l'Ecole spéciale des Beaux-Arts, sur présentation de Gros.<br />

À <strong>par</strong>tir de 1814, les événements politiques se précipitent et la chute de l'Empire va bouleverser<br />

l’avenir <strong>du</strong> jeune artiste. Sa vie prend un autre tournant, puisqu'il est enrôlé comme simple<br />

garde national jusqu'en 1816, lui qui avait rêvé d'être soldat de la Grande Armée.<br />

Le père de <strong>Maurice</strong> <strong>Maignen</strong> fut-il alors victime d'une des idées fixes de la Restauration?<br />

Le roi Louis XVIII, et nombre de royalistes avec lui, pensaient, en effet, que la monarchie<br />

n'aurait jamais succombé en 1789, si Louis XVI avait pu compter sur une garde nombreuse<br />

et fidèle. C'est pourquoi, dès son retour à Paris, le 8 juillet 1815, Louis XVIII s'emploie<br />

à rétablir la Maison Militaire <strong>du</strong> roi, qui devait comprendre des Gardes <strong>du</strong> corps, des<br />

Suisses, et une garde royale. Le fait est qu’au mois d’avril 1816, le grand-père <strong>Maignen</strong> se<br />

trouve à peindre chez lui le portrait <strong>du</strong> <strong>du</strong>c d'Havré, chargé <strong>par</strong> le roi de recruter des candidats<br />

pour sa Maison Militaire. L'artiste lui présente son fils Charles-Désiré. Le <strong>du</strong>c, déjà impressionné<br />

<strong>par</strong> le talent <strong>du</strong> père, l’est davantage encore <strong>par</strong> la belle prestance <strong>du</strong> fils:<br />

"...le <strong>du</strong>c d'Havré qui eut l'occasion de voir mon père dont la taille élevée et la bonne<br />

tournure le frappèrent au point qu'il insistât vivement pour le faire admettre dans les gardes <strong>du</strong><br />

corps pour lesquels on recrutait alors les hommes les plus dévoués au nouveau règne qui remplissaient<br />

d'ailleurs les conditions de taille, de service militaire et d'é<strong>du</strong>cation convenable pour<br />

former un corps d'officiers". 5<br />

Ce qui s'offre ainsi au jeune <strong>Maignen</strong>, ce n’est pas la gloire rêvée des champs de bataille,<br />

mais une carrière militaire d'ap<strong>par</strong>at au service de la sécurité <strong>du</strong> souverain. Il ne se fait<br />

pourtant pas prier pour accepter et, cédant aux instances <strong>du</strong> <strong>du</strong>c, il entre, en mars 1816, comme<br />

garde <strong>du</strong> corps. Avec lui, viennent de s’engager, dans le même service, deux jeunes gens<br />

appelés à la notoriété littéraire. Le premier, dans la garde royale, était un certain comte Alphonse<br />

de Lamartine, qui galopera très élégamment à la portière de Louis XVIII, mais qui très<br />

vite, s'ennuiera de la vie de garnison et des mondanités de la Maison <strong>du</strong> Roi. Il donnera sa<br />

démission après les Cent-Jours et publiera en 1820 ses Méditations Poétiques. Le second,<br />

Alfred de Vigny, est affecté à la Maison Militaire; il y sera un officier consciencieux, jusqu'en<br />

1828, date à laquelle, désabusé, il renonce à la carrière militaire. Il écrira alors Servitude et<br />

grandeur militaires: l'aristocrate qu’il est ne voit plus la place <strong>du</strong> soldat dans la société.<br />

5 Portraits de famille, op. cit. t.I, p. 54. Charles-Désiré, à 14 ans, mesurait déjà 1m76 et à cause de cette grande taille "il ne<br />

pouvait voyager de Paris à Bonneval sans un passeport. Nous sommes à l'époque impériale, la police a l'œil ouvert sur les<br />

conscrits qui voudraient échapper aux exigences de la loi."op.cit. p.32.<br />

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