Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
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e la messe devant la châsse de saint Vincent, découverte, ce matin-là, "<strong>par</strong> une faveur spéciale".<br />
L’évêque d’Angers qui sait que les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes fait<br />
confiance à ce grain de sénevé qui, il n’en doute pas, va croître et donner <strong>du</strong> fruit, "dans la<br />
petitesse, l’humilité et l’abjection".<br />
S’il exhorte les trois confrères à espérer contre toute espérance, -il leur laisse comme<br />
mot d’ordre courage et persévérance,- c’est que commence pour eux une véritable marche à<br />
l’étoile. La situation déjà bloquée <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> fondateur, -laïc marié, fonctionnaire, il ne peut<br />
venir habiter rue <strong>du</strong> Regard-, comme <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> jeune <strong>Maignen</strong>, -il n’est que postulant et reste<br />
le soutien de sa famille-, est venue s’ajouter, le soir même de la première journée "d’œuvres",<br />
la défection <strong>du</strong> compagnon de Myionnet, M. Gardès. Jeune architecte, il aura reculé devant<br />
l’œuvre à édifier...<br />
Trois hommes de bonne volonté promettent à Dieu de former une communauté religieuse<br />
au service des pauvres, mais, avec de tels handicaps, n’est-ce pas présomptueux et téméraire?<br />
Le 3 mars 1845, allait-il rester un jour sans lendemain?<br />
Non, car, en quelques mois, les difficultés vont s’aplanir.<br />
Comme si leurs solides vertus surnaturelles de foi et de charité, à l’origine de cette journée<br />
<strong>du</strong> 3 mars, trouvaient maintenant dans leurs qualités humaines, l’appui nécessaire pour la<br />
mener à son terme, telle la flèche bien lancée vers sa cible, ou telle la flamme, qui, une fois<br />
allumée, répand sa lumière et sa chaleur.<br />
Le plus exposé était Clément Myionnet. Allait-il persévérer, alors qu’il était, à lui tout<br />
seul, la communauté? Se retrouver sans aucun appui humain, avec une maison à tenir, et une<br />
œuvre, où l’on est inexpérimenté, à faire marcher, n’était-ce pas un défi aux meilleures résolutions<br />
pieuses <strong>du</strong> <strong>monde</strong>? Suivant l’expression de M. LePrevost lui-même, il plia aux larmes<br />
sous la main de Dieu, mais sans perdre confiance en son amour. Certes, tous les soirs, il reçoit<br />
la visite de ses deux frères, qui "viennent le consoler, en venant faire avec lui la lecture spirituelle".<br />
De plus, moine dans l’âme, il observe scrupuleusement son règlement quotidien. Mais<br />
persévérer dans un tel régime de vie n’aurait pas tenu si C. Myionnet, pierre de fondation,<br />
n’avait pas été un monument de patience. La patience d’une sentinelle, car LePrevost le lui<br />
avait écrit à maintes reprises, "il faut attendre le jour, nous ne sommes maîtres de rien, nous<br />
sommes comme le vaisseau qui attend le vent pour mettre la voile". Et M. <strong>Maignen</strong> rendra un<br />
hommage fraternel à cette patience inaltérable: "M. Myionnet seul dans sa maison de la rue<br />
<strong>du</strong> Regard semblait établi pour la garder en nous attendant. Sa confiance dans l’avenir n’était<br />
pas ébranlée. Il acceptait cette épreuve d’un isolement qui semblait indéfini avec ce courage<br />
doux et tranquille qui lui est propre". 38 Quatorze mois, cette patience tiendra bon, et elle se<br />
verra récompensée le 1 er mai 1846, jour où le frère Myionnet accueille enfin, dans "leur" maison<br />
de la rue <strong>du</strong> Regard, le fondateur, M. LePrevost.<br />
Pour ce dernier, aussi, la situation exigeait de la patience, mais avant tout beaucoup de<br />
psychologie. M. LePrevost est doué d’une merveilleuse "habileté dans le maniement des<br />
âmes", selon l’expression de M. <strong>Maignen</strong>.<br />
En juin 1834, il avait épousé Aure-Etiennette de Lafond, son aînée de dix-sept ans, qui<br />
l’avait soigné avec dévouement lors de l’épidémie de choléra de 1832. En ce mois d’avril<br />
1845, son mariage depuis longtemps dans une impasse, et convaincu qu’il a encore "quelque<br />
peu de bien à faire", Jean-Léon LePrevost informe son épouse de son projet de vie religieuse.<br />
Avec infiniment de tact et grande intelligence, il va dénouer, sans le briser, le lien conjugal<br />
depuis longtemps en souffrance. Il demande à sa femme "un assentiment libre, simple et cor-<br />
38 Histoire de la vocation <strong>du</strong> 3 e frère, op. cit. p.116.<br />
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