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Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.

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Malgré les troubles, M. LePrevost n’avait pas interrompu ses activités charitables à<br />

Grenelle et à Paris. Les associés de la Sainte-Famille avaient pu suivre leur retraite annuelle<br />

<strong>du</strong> 8 au 14 août, à la chapelle des Carmes. Alors que la situation semble se calmer, le fondateur<br />

s’accorde un temps de repos et <strong>par</strong>t pour Duclair.<br />

C’est là, que, toujours animé de la même ardeur charitable, il incite ses frères, dans une<br />

lettre <strong>du</strong> 26 août, (un an jour pour jour après celle de 1847), à persévérer dans leurs petites<br />

œuvres comme dans leur vie de prière: c’est dire qu’il les affermit toujours plus dans leur<br />

vocation. Méditant à la fois sur les événements et sur le comportement de ses Frères, il va en<br />

tirer une double leçon: - si la moisson est abondante, sa communauté, même avec peu<br />

d’<strong>ouvrier</strong>s, est appelée à y travailler; - la fécondité des œuvres est liée à la vie de la prière.<br />

La guerre civile, sur fond de crise sociale, qui s’est déroulée sous ses yeux, lui a révélé<br />

"l’immensité <strong>du</strong> mal", qu’engendre, non pas l’in<strong>du</strong>strie en elle-même, mais l’in<strong>du</strong>strie "aujourd’hui<br />

constituée, pro<strong>du</strong>it d’une concurrence jalouse, des prétentions égoïstes des uns, des<br />

exigences injustes des autres". Il faut que le christianisme relève le défi de spiritualiser et de<br />

vivifier "l’in<strong>du</strong>strie moderne, comme il a vivifié et relevé le travail dans tous les temps". On<br />

croirait lire quelques lignes de la future encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum, de 1891,<br />

sur la condition des <strong>ouvrier</strong>s!<br />

Avec l’in<strong>du</strong>strie, la pauvreté de l’Ancien Régime, perçue comme mal ponctuel, voire<br />

comme un problème strictement indivi<strong>du</strong>el, a pris une autre dimension. "Elle n’est plus un<br />

accident, dira Villeneuve-Bargemont, mais la condition forcée d’une grande <strong>par</strong>tie des membres<br />

de la société". Bien plus,"l’in<strong>du</strong>strie attire la misère, avant même de la sécréter". En attirant<br />

des bras potentiels, l’activité in<strong>du</strong>strielle sert de révélateur à la misère, jusque-là "masquée"<br />

à la campagne <strong>par</strong> le sous-emploi: à la ville, plus de repères, plus de solidarité. 91<br />

Ce paupérisme, M. LePrevost le voit également ainsi, mais sa vision se veut plus large.<br />

Les transformations économiques qui affectent son pays ne changent pas encore en profondeur<br />

le paysage traditionnellement rural de la France. C’est en pasteur qu’il réagit: il voit tout<br />

un peuple à évangéliser: "la misère n’existe réellement que là où fleurit l’in<strong>du</strong>strie,...l’<strong>ouvrier</strong><br />

est placé dans des conditions qui lui font oublier Dieu...son œuvre n’est plus faite en association<br />

avec le Créateur...le fruit de son labeur n’est plus que l’argent...il semble qu’il manque à<br />

la gloire <strong>du</strong> christianisme d’avoir spiritualisé et ennobli l’in<strong>du</strong>strie moderne, comme il a vivifié<br />

et relevé le travail dans tous les temps".<br />

"Le mal est immense, on pourrait s’en effrayer, écrit-il à ses Frères, mais "nous continuerons<br />

à travailler à cette tâche <strong>par</strong> nos toutes petites œuvres et dans la mesure de nos forces;<br />

nous patronnerons nos apprentis, nous moraliserons quelques pauvres <strong>ouvrier</strong>s, sans nous<br />

étonner des difficultés...prions beaucoup et nous soulèverons <strong>par</strong> la prière ces masses corrompues<br />

<strong>par</strong> le souffle de l’in<strong>du</strong>strie...si la prière ne les féconde et n’agrandit leur action, nos œuvres<br />

sont de futiles jeux d’enfants.." Ainsi, l’élément nouveau de sa réflexion, <strong>par</strong> rapport à<br />

1847, est le rôle qu’il assigne à la prière dans l’efficacité de leur mission. Car, sortis sains et<br />

saufs d’une telle tourmente, voyant mieux l’ampleur de la tâche qui les attend, convaincus de<br />

l’utilité de leur apostolat, comment ne pas défaillir? C’est l’heure de croire en la prière, le<br />

meilleur agent apostolique. Pour tirer la masse des pauvres et des <strong>ouvrier</strong>s loin <strong>du</strong> matérialisme<br />

et de la corruption, ce n’est pas l’argent qui sera le plus efficace, c’est la prière, "la seule<br />

grande puissance <strong>du</strong> <strong>monde</strong>"...La prière comme puissance d’apostolat: jeux d’enfants que<br />

leurs œuvres, si la prière ne "les seconde et n’agrandit leur action".<br />

Les Frères avaient déjà expérimenté la place nécessaire de la prière dans leur vie<br />

d’œuvres. Ils ont acquis le "petit monastère de Grenelle" pour s’établir davantage dans le<br />

91 A.Gueslin,Gens pauvres, pauvres gens, op.cit., p.94.<br />

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