Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
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"...J’aime cette petite œuvre <strong>du</strong> fond de mes entrailles, non <strong>par</strong>ce qu’elle est nôtre, mais<br />
<strong>par</strong>ce qu’elle me semble bien dans l’esprit chrétien, et <strong>par</strong>ce qu’elle console et édifie les pauvres<br />
auxquels j’ai, dès longtemps et ardemment, souhaité de consacrer mon souffle de vie".<br />
De Duclair, en Normandie, où il est en repos dans sa famille, auprès de sa mère et de sa sœur,<br />
LePrevost écrit le 4 septembre 1844, à M. <strong>Maignen</strong>, à propos d’une des ces premières entreprises<br />
charitables, la plus chère à son cœur, et aux séances de laquelle il a associé son jeune<br />
confrère. Pour M. <strong>Maignen</strong>, "elle était née d’un cœur qui aimait passionnément les pauvres de<br />
Jésus-Christ, et elle gagna ainsi aisément le cœur des pauvres".<br />
LePrevost avait constaté que si à Paris, les œuvres qui s’occupaient des orphelins, des<br />
<strong>ouvrier</strong>s, des malades, ne manquaient pas, il n’en existait pas pour les familles pauvres. Aussi<br />
forma-t-il le projet d’une œuvre à leurs intentions, qu’il avait d’abord songé appeler Œuvre de<br />
la Consolation des pauvres, mais un confrère ami, le bon M. Ferrand de Missol, le décida finalement<br />
à la nommer Œuvre de la Sainte-Famille.<br />
Sa fondation, en avril 1844, n’avait pas été de soi. Des objections s’étaient levées chez<br />
les confrères qui craignaient de sortir de l’esprit de la Société <strong>par</strong> une pression exercée sur les<br />
familles, pression religieuse qui risquait de les humilier. Le Conseil général, consulté, ne désapprouva<br />
pas l’initiative de M. LePrevost, mais sans pour autant l’encourager. Les responsables<br />
de la Société de Saint-François-Xavier appréhendaient, quant à eux, de voir s’établir une<br />
autre réunion dans leur propre local. De même, les catéchismes de Saint-Sulpice qui se réunissaient<br />
dans la même chapelle, pensaient qu’ils en seraient gênés. Le clergé <strong>par</strong>oissial ne<br />
voyait pas la chose d’un bon œil. Bref, <strong>du</strong> côté des hommes, tout semblait voué à l’échec.<br />
Mais LePrevost prie, supplie, et va se jouer des obstacles. Sa personnalité eut raison de<br />
toutes les difficultés. M. <strong>Maignen</strong> qui l’accompagne dans ses démarches, admire son tact merveilleux<br />
dans le maniement des divers caractères avec lesquels il doit traiter. Sa <strong>par</strong>ole, insinuante<br />
et irrésistible, gagne les cœurs et les intelligences. Plusieurs, après sa visite, se trouvent<br />
étonnés de lui avoir accordé ce qu’ils étaient fermement résolus à lui refuser: les catéchismes,<br />
non seulement lui cèdent la chapelle et mettent leur personnel à sa disposition, mais<br />
lui prêtent leur matériel d’éclairage et St-François-Xavier autorise l’utilisation de son harmonium...<br />
M. <strong>Maignen</strong> qui découvrait un <strong>monde</strong> nouveau pour lui, celui des œuvres, ne s’étonne<br />
pas outre mesure de ces difficultés qui finissent <strong>par</strong> s’aplanir entre gens de bonne volonté<br />
mais chez lesquels un sentiment trop exclusif suscite <strong>par</strong>fois des procédés étroits. "Au lieu<br />
d’avoir à en souffrir, M LePrevost obtint pour la Sainte-Famille, non seulement la bienveillance,<br />
mais encore le concours de tous".<br />
Au jour dit, les trois cent "familles de la classe indigente et ouvrière", sont donc convoquées<br />
dans la chapelle basse de l’église Saint-Sulpice. L’initiative est toute nouvelle pour<br />
l’époque! Les familles avaient été conviées <strong>par</strong> courrier spécial, ce qui n’empêcha pas M.<br />
LePrevost d’envoyer aux pauvres d’autres invitations à domicile. Chaque membre de la<br />
Conférence avait un rôle à remplir, les chants, le placement des femmes et celui des hommes,<br />
la réception des invités, la vérification à l’entrée, etc. Quant à M. <strong>Maignen</strong>, il entre dans le<br />
mouvement des œuvres <strong>par</strong> l’animation et les jeux, ce qu’apprécie son esprit inventif: "M.<br />
LePrevost m’avait confié le rôle modeste d’organisateur de la loterie, et je justifiais ce choix<br />
<strong>par</strong> l’invention d’un système de distribution de billets, qui, sans aucun subterfuge, dirigeait les<br />
chances <strong>du</strong> hasard, et ré<strong>par</strong>tissait selon les sexes les lots qui leur convenaient le mieux".<br />
M. LePrevost avait tout fait pour la réussite de l’événement. Il a convoqué comme aumônier,<br />
un jésuite, le père Millériot, "un grand apôtre des petits", et un orateur laïc qui doit y<br />
raconter une histoire tirée de la vie des saints. La fête est prévue pour midi, car les pauvres<br />
travaillent le dimanche matin! Mais allaient-ils répondre à cette invitation toute nouvelle pour<br />
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