Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
Maurice Maignen - Apôtre du monde ouvrier - par Richard Corbon s.v.
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
fane. M. LePrevost avait offert pour cette œuvre une boutique sur la rue <strong>du</strong> Commerce, indépendante<br />
<strong>du</strong> logement des frères, et donc facilement accessible aux lecteurs. Les meilleurs<br />
propagandistes de la bibliothèque furent les enfants de l’école communale voisine, qui<br />
s’amenèrent les uns les autres, et finirent <strong>par</strong> toucher leurs <strong>par</strong>ents et leurs proches, car "il n’y<br />
a rien de si puissant dans la famille que l’enfant, c’est le meilleur des missionnaires". Dès la<br />
première année, trois mille livres furent empruntés, d’autant que les lecteurs s’étaient multipliés<br />
<strong>du</strong> fait d’une nouvelle clientèle, celle des soldats des casernes avoisinantes, notamment<br />
l’Ecole Militaire. Il suffit que l’un d’entre eux s’enhardisse jusqu’à entrer dans la boutique et,<br />
comme pour les écoliers, le bon militaire amena un camarade, puis un autre et...toute la compagnie<br />
défila! Mais un jour, la bibliothèque si fréquentée se trouva presque désertée. Ses amateurs<br />
les plus assi<strong>du</strong>s, les petits écoliers <strong>du</strong> pays, ne <strong>par</strong>urent pas de toute une semaine. Comment<br />
expliquer cette absence subite? On s’informe et l’on apprend, <strong>par</strong> une indiscrétion obtenue<br />
auprès de l’un des petits déserteurs, que c’est <strong>par</strong> suite de l’interdiction formelle <strong>du</strong> maître,<br />
sous peine de renvoi immédiat et définitif de l’école.<br />
Ce fut comme un coup de tonnerre pour le Frère <strong>Maurice</strong>, spécialement chargé de la bibliothèque,<br />
car il pressentait que les œuvres s’en trouveraient compromises. Il alla s’en ouvrir<br />
au curé. "Je n’en suis pas surpris, lui répondit ce dernier, votre présence ici commence à inquiéter<br />
l’administration municipale qui a cru devoir m’avertir <strong>du</strong> danger dont ma <strong>par</strong>oisse<br />
était menacée. – Méfiez-vous, monsieur le curé, m’a dit ces jours derniers, mon brave homme<br />
de maire 90 , il <strong>par</strong>aît que les Jésuites sont à Grenelle; ils viennent d’ouvrir une de leurs maisons<br />
rue <strong>du</strong> Commerce; Monsieur le curé, méfiez-vous!" Sans doute, l’instituteur aussi, avait-il été<br />
prévenu contre les Frères.<br />
Ces derniers le connaissaient, <strong>par</strong> le curé précisément, qui le leur avait décrit comme un<br />
homme très honnête, instruit et dévoué à ses enfants, autant à leur é<strong>du</strong>cation morale qu’à leur<br />
instruction. Catholique à son arrivée à Grenelle, il avait renoncé à la pratique de sa foi, sous la<br />
pression <strong>du</strong> maire de l’époque, qui lui avait fait comprendre que s’afficher publiquement catholique<br />
pouvait nuire à son école. L’instituteur ne crut pas devoir résister à de telles injonctions<br />
mais il conserva sa foi et veilla scrupuleusement sur la moralité et l’instruction religieuse<br />
de ses élèves. M. LePrevost lui-même très attaché à ces écoliers, pensa qu’une visite au<br />
jeune instituteur pouvait avoir une chance de succès. Accompagné <strong>du</strong> F.<strong>Maignen</strong>, il se présenta<br />
chez lui où il reçut, d’abord, un accueil poli mais réservé. Bon musicien, chanteur remarquable<br />
et compositeur de talent, l’instituteur fut frappé des manières affables et des propos<br />
persuasifs de M. LePrevost sur la bibliothèque et ses bons effets sur les enfants et de<br />
l’entendre le féliciter de ses élèves dont M. LePrevost sut faire remonter, tout naturellement,<br />
le mérite jusqu’à leur maître: bref, il fut charmé et conquis, il donna un autre ton à l’entretien<br />
qui s’acheva, de <strong>par</strong>t et d’autre, avec une expansion pleine de confiance. La paix fut conclue,<br />
l’interdit levé et les écoliers, plus nombreux que jamais, se remirent, comme <strong>par</strong> le passé, à<br />
fréquenter la petite bibliothèque de Grenelle.<br />
Ce jour marqua le début d’un autre retour. Les rapports avec l’instituteur se firent plus<br />
étroits et on le vit bientôt se dévouer aux œuvres de la conférence. Le premier jour <strong>du</strong> mois de<br />
Marie, que les Frères organisèrent à la <strong>par</strong>oisse, sa belle voix rehaussa l’éclat de la cérémonie,<br />
et seul, le talent oratoire <strong>du</strong> P.Millériot lui disputera la vedette. Il reviendra ensuite complètement<br />
à Dieu et mourra chrétiennement, à quelques années de là.<br />
Encore une fois, la <strong>par</strong>ole de M. LePrevost avait transformé les cœurs.<br />
90<br />
Ce n’était pas encore M. Thibouméry, maire de Grenelle et de Vaugirard, qui se montrera très favorable à la communauté<br />
des Frères.<br />
87